Voici un livre prenant, angoissant même, quoique pas une histoire imaginaire abracadabrante. C’est un vécu terrible que narre ici l’auteure, après 40 ans, le temps sans doute de digérer ou simplement de tenter d’insensibiliser. Mais c’est sans doute la bonne décision que de raconter maintenant, pour elle et aussi pour nous. Il s’agit de l’histoire de l’assassinat de son amoureux et surtout de la longue attente pour découvrir l’assassin. Les lignes en exergue notent que ce récit est « Pour ma fille », née de cet homme. Nulle distance ici, du moins semble-t-il, puisqu’on se retrouve dans l’action et la pensée de l’époque. J’ai sincèrement souffert par identification avec l’héroïne locutrice dans un récit au jour le jour qui risquerait de se borner à la confidence qui ne fait pas littérature. Or, un talent particulier parvient à construire ce texte où « Tout est vrai et tout est faux… » (comme noté en Avertissement). C’est jalonné de beaux passages en italique qui coupent le récit et contribuent à l’atmosphère en s’adressant en direct à la victime aimée ou au bébé ou à soi-même : « mon amour plein d’épines, mes jalousies, mes doutes les jours où tu ne rentrais pas […] ». L’éditeur de Horsain est un ami valeureux, mais quel dommage et quelle injustice qu’il faille recourir à une si petite édition si peu diffusée pour faire paraître de tels textes tandis que tant de choses insipides inondent les rayons !