Eureka ! Après avoir applaudi aux fenêtres chaque soir du confinement, on pourrait maintenant offrir aux personnels de santé un jour de congé à l’occasion de la Pentecôte. C’est une proposition d’« initiative solidaire » défendue par le député du Calvados Christophe Blanchet, ainsi qu’une centaine de députés LaREM. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, s’est déclarée très intéressée. Or, un cadeau de jours de vacances pour compenser un sort injuste d’une catégorie de personnels (dures conditions de travail, manque de matériel, rémunération faible, etc.), ce à l’occasion d’une fête religieuse, en République française égalitaire et laïque, voici qui pose questions !
Selon la loi, la journée de solidarité (Initialement fixée au Lundi de Pentecôte), est une journée supplémentaire obligatoire de travail non rémunérée. Passons sur la générosité non volontaire puisque obligatoire ; cette journée de solidarité fut instituée pour financer l’autonomie des personnes âgées et handicapées. Alors, s’agirait-il d’un détournement de fonds ? Ce ne serait pas le premier… Pour voir, j’ai demandé à des personnels de santé eux-mêmes ce qu’ils en pensaient.
Réponses éloquentes : « la journée de Pentecôte est déjà donnée pour les personnes âgées, depuis Raffarin il me semble…et puis il y a toujours un prétexte pour virer les jours de congés » ; « Les soignants ne demandent pas quoi que ce soit aux autres travailleurs ! ILS VEULENT UNE REEVALUATION DE LEUR SALAIRE AINSI QUE LA PRISE EN COMPTE DE LEURS REVENDICATIONS POUR LEURS CONDITIONS DE TRAVAIL. » ; « C’est quoi, ce bordel ? »
Le député du Calvados n’ignore pas que pour les croyants la Pentecôte commémore la célébration de la descente de l’Esprit-saint sur les apôtres, symbole pour l’Eglise catholique du point de départ de sa mission publique dans le monde. Si cette fête semble découler, comme c’est souvent le cas, de fêtes plus anciennes, le rapport de la date avec la condition des personnels de santé est nettement flou.
Or, c’est justement le flou et les contradictions qui règnent en ce moment. Il fait très beau ce printemps ? Certes, mais c’est un réchauffement climatique grave. Le confinement et ses suites comme sécurité et tranquillité ? Oui, embarqués dans un terrible échec de société. Sans parler de la purification de l’atmosphère, provisoire mais réelle, ni de la gestion cafouillée de la pandémie… et de la régression sociale inouïe. Alors, pour tâcher de sortir de la condition de spectateurs réduits à applaudir ou huer ce que décident les puissants, tentons de creuser la notion de solidarité.
Selon le Larousse, le mot vient du latin « solidum » = solide, entier, soit l’idée de dépendance mutuelle, de sentiment humanitaire, de lien qui pousse à s’entraider. A priori, il serait normal, voire naturel de chercher à s’entraider. Sauf que l’histoire montre le contraire : le pouvoir exercé par les plus forts contre les plus faibles ! Pas seulement par des guerres, mais aussi par l’exploitation économique et le discours qui la maintient. « Le discours politique est destiné à donner aux mensonges l’accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l’apparence de la solidarité à un simple courant d’air. » écrivait George Orwell.
Revenant alors à la Pentecôte et aux soignants, la solidarité en question reste floue. Ce qui est clair, c’est que les aides, les infirmières, les médecins et autres soignants, demandent la satisfaction de leurs justes revendications. Et ce qui est néanmoins clair, c’est que le gouvernement, derrière le président, mijotent toujours une réforme de l’hôpital public dans le sens de l’économie et de la privatisation.
Pour le sourire, j’ai cherché à Toulouse un organisme se réclamant de la Pentecôte. Un site très bien fait m’est apparu, vantant les mérites de se retrouver bientôt dans l’église évangélique de Toulouse-les-Minimes : « Suite à l’annonce du ministre, les cultes reprendront à partir du dimanche 31 mai 2020. Inscription obligatoire en ligne ou par téléphone. » On peut donc désormais pratiquer une religion en réunion, quelle qu’elle soit, à condition d’effectuer une demande d’inscription. Question : Avant les élections municipales dont le deuxième tour aura lieu dans un mois, à quand un grand « métinge du métropolitain » sur simple demande de toulousains en mal de solidarité ?