Il y a peu, c’était fin de confinement au tabac-presse de La Pointe, dite maintenant : « Barrière de Muret ». Les vendeurs étaient masqués et nul quotidien national ne se trouvait sur le présentoir. Depuis, les quotidiens ont réapparu, en partie et en désordre mais sans certitude de longévité, le plus gros distributeur en liquidation partielle. On peut s’en désintéresser en se tournant vers les nombreuses annonces sur internet. Mais cette désertion de la presse sent mauvais, comme une odeur d’holocauste. Car les quotidiens sur papier pourraient disparaître. Serait-ce alors la fin du monde ? Cela pourrait bien, en tout cas, être le début d’un autre monde.
« Le journal », comme on dit du quotidiens régional La Dépêche, scande toujours les jours dans notre bonne ville rose. Mais craignons de sentir que l’arbre cache la forêt ! Que vont devenir nos esprits, si disparaissent les journaux éveillant de bon matin l’information et réveillant la réflexion ? Qu’allons-nous devenir, livrés aux gratuits payés par la pub et à la grand-messe télévisée du soir ? Qu’en sera-t-il de nos cerveaux, vendus pour tant de temps à la publicité, comme a pu le dire un patron ? Contrairement aux dispositions de la Libération, il y a beau temps que bien des journaux sont tombés dans l’escarcelle de grands patrons. Mais qu’en sera-t-il de nous, Français se déterminant et se convainquant selon « leur » journal d’opinion ?
Dire que certains ont déchiffré, enfants, sur Le Pèlerin ou La Croix tandis que j’appris à lire entre autres sur la bande dessinée de Pif-le-chien dans L’Humanité de mon père ! N’en doutons pas, cela importe qu’un tel ait lu Le Figaro ou bien L’Huma, dans le droit fil des journaux nés de la Révolution française et faisant de la politique au sens noble. Après L’Ami du peuple de Marat, on connut bien des titres de bien des opinions comme Combat de Camus, La Cause du peuple de George Sand et celle de Geismar, et aussi Libération de Sartre, ainsi qu’à Toulouse Le Patriote résistant et La Dépêche, dite à l’origine radicale. Serait-ce comme on dit : « radis », rouge dehors et blanc dedans ?
« Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur », telle est la précieuse devise du Figaro, signée Beaumarchais. On s’en inspire dans ce titre pour y orienter l’information, à droite toute, certes, et en polémiquant parfois ; mais au moins sans patauger dans ce maussade marasme d’une prétendue communauté de pensée molle comme on la ressasse sur les chaînes télévisées. Pendant ce temps, quel sera le sort du seul organe de presse dite d’extrême gauche : L’Humanité, lequel entretient encore une information et une pensée démocratique française ?
« C’est le bordel ! » dit une vendeuse, tandis qu’une autre prévient : « Les lecteurs vont se lasser… ». La plupart des titres tâchent de se convertir au numérique en proposant un abonnement à prix réduit. Mais la question est : qui et combien vont lire régulièrement sur internet ? Probablement peu de gens du 3è ou du 4è âge. Quelles garanties aura-t-on de la véracité, de l’honnêteté des « news » ? Comment subsisteront les courants de pensée ? Probablement très difficilement face aux grosses machines à gros moyens.
Pour le sourire, car c’est encore le propre de l’homme, reste le Canard enchaîné, un des honneurs de l’esprit français, et aussi, peu le savent encore, cette Huma qui n’hésite pas à garder aussi le ton de la satire. Un jour dernier, le billet de Maurice Ulrich en dernière page disait : « Le problème des marchés, ce n’est pas l’état réel du monde, c’est où se trouve le grisbi, comme on dit chez Les tontons flingueurs. » On ne sait si le papier journal sentira bon l’encre fraîche encore longtemps. Mais tant qu’il y aura ainsi des billets à lire, serait-ce sur écran, il fera toujours bon se lever le matin.
Par-delà des coups foireux annoncés dans La Dépêche à propos des prochaines municipales, un tract du maire sortant à Toulouse, martèle qu’il veut « protéger ». On se demande bien de quoi. Du Covid, de la pollution, de la canicule, des gafam ou bien des rouges ou encore des roses ? En face, la liste « Archipel citoyen » propose des démocrates unis pour une « démocratie citoyenne face au clientélisme ». Ceci sur internet, la toile prenant le relais du papier. Allons, l’intelligence ne va pas tarir du jour au lendemain et alors, la ville sera toujours rose !