L’image galvaudée du dôme vert-de-gris au-dessus de la Garonne est si emblématique de Toulouse que l’on ne m’en voudra pas de l’évoquer à nouveau, après avoir convoqué le maire de quartier et la présidente d’une association de résidents et aussi après avoir évoqué le sujet à propos du premier confinement.
On se rend sur les lieux par le 9 rue du Pont Saint-Pierre ou bien par un tunnel qui s’ouvre place Lange sous la rue éponyme. L’ancien édifice de briques vieux rose construit au XVIIe siècle, abrite toujours une « cité de la santé » dispensant des services médicaux dédiés au dépistage, au traitement et au suivi de personnes malades et en situation précaire. S’ajoute à ces missions celle de vacciner contre le covid 19 les personnes de plus de 75 ans. Je découvris cela par hasard, à l’occasion d’un repérage sur place, m’inscrivant donc là tandis que j’avais abandonné les tentatives de m’inscrire par téléphone ou internet.
Le bâtiment, du moins ce qu’il en reste, est coutumier de traiter les épidémies puisqu’il s’était vu assigner le rôle d’isolement des indésirables, dont les pestiférés car au milieu du XIVe siècle la Peste Noire fit mourir un tiers de la population toulousaine et cette calamité récurrente frappa encore au début du XVIe où l’établissement fut agrandi en prenant le nom d’Hôpital Saint-Sébastien (du nom du saint invoqué pour combattre ce fléau).
La Grave, c’est près de 6 hectares de surface en plein cœur de Saint-Cyprien. Un promoteur racheta une partie dont la façade longe la rue du Pont Saint-Pierre. Le gros projet immobilier prévoit logements, résidence hôtelière (4 étoiles) et commerces en pied d’immeuble. Est préservée la chapelle au dôme, qui doit être affectée à des activités culturelles et notamment des expositions et accueillir un parcours d’interprétation qui retracera l’histoire de cette chapelle et de l’hôpital. Une « coulée verte » qui traverserait le site depuis la rue du Pont Saint Pierre jusqu’au Parc Raymond VI est également envisagée. Les associations du quartier regrettent qu’une crèche et un EHPAD ne soient plus au programme.
Rasé le bâtiment face au sud du dôme, place aux appartements les plus chers de Toulouse dans un secteur sis non loin du centre de la ville et idéalement situé près du fleuve. Le cahier des charges impliquant certains logements dits « sociaux », leur coût les destinera toutefois à des catégories au moins moyennes, dans un quartier où se produit la « gentrification » d’une population jadis très populaire.
Reste pour lors un bâtiment à l’usage de la fondation Abbé Pierre, touchant la rue du Pont-Saint-Pierre d’où l’on peut admirer des portraits, dont celui de l’abbé, dessinés sur le mur où s’étale une banderole : « La Grave n’est pas à vendre, relogez les habitant.e.s. » Le projet, déjà bien engagé puisqu’un énorme trou rappelant celui des halles de Paris s’ouvre en lieu et place de bâtiments détruits, s’inscrit dans une tendance nouvelle en ce quartier où l’on prend de court les habitants traditionnellement, voire ancestralement, de conditions modestes.
Cela n’est pas nouveau puisque le secteur compte encore de nombreux originaires de l’étranger comme les descendants d’Espagnols réfugiés, nombreux après la guerre civile où l’armée de Franco les chassa de leur pays. En témoignent certains signes et édifices, dont le Casal Català situé tout près : 7 rue de Novars.
Pour le sourire, Jean Tutenges ne me contredira pas, si le lieu est celui d’une association créée en 1944 par des Catalans, républicains espagnols arrivés à Toulouse pour la plupart en 1939, notons que rien ne mentionne ici une appartenance espagnole. La vitrine affiche sous l’emblème à quatre bandes rouges sur fond jaune, des informations pour promouvoir la langue et la culture catalanes : activités ordinaires, concours de littérature catalane et fêtes diverses dont l’Aplec de la sardane de Toulouse et la fête de la St-Jean avec Convergence (occitane).
Voici qui renvoie aux démêlés politiques de la Catalogne actuelle en soulignant la différence entre les langues castillane et catalane, cette dernière reconnue langue romane proche de l’occitan, sans toutefois pouvoir gommer les restes de l’histoire. Étrange voisinage de ce lieu et de l’immeuble de l’Abbé Pierre avec la spéculation immobilière !
« Notre pays cultive la passion du patrimoine, de l’histoire.» assurait le chef d’orchestre Michel Plasson. Sans rapport direct avec cette affaire-là…