L’écrivain se juge à l’écriture. On connaît le coup d’essai de Daeninckx qui fut le fameux coup de maître : Meurtre pour mémoire. Le hasard a voulu que je côtoie Didier en préparant et en publiant mon Poulpe (Saône interdite), en même temps que son second (Ethique en toc). Le tout récent Galadio vient de m’accrocher d’entrée. C’est l’aventure d’un jeune métis, né d’une allemande et d’un noir de l’armée française d’occupation après la Grande Guerre. Sous le nazisme, avec des moments hallucinants comme la chasse aux animaux possédés par les juifs. Le scénario paraît parfois un peu cousu de fil blanc. Parfois moins emballé par la facture au scalpel de certains de ses livres, je trouve l’autofiction ici très réussie. On est en empathie avec son personnage, aussi censé être le narrateur. L’auteur n’a pas besoin de jouer au cynique ni au cruel. C’est le réel qui l’est. Quant à la documentation, elle est évidemment exacte et complète. En témoigne la scène à l’hôpital protestant où l’on doit castrer cet enfant impur dans le Reich… Documentation aussi maniée avec sensibilité, notamment lorsque le héros se retrouve en Afrique : « comme si je renaissais à la vie. Nous contournons des rizières, des champs d’anacardiers, des plantations de palmiers alourdis par des grappes de noix de coco, puis la forêt profonde se resserre autour de nous comme une nuit végétale. » Avec l’inévitable coup de patte du justicier qui termine par la dénonciation du massacre de Chasselay (près Lyon) où l’armée allemande triait les combattants Noirs pour les faire courir. « À ce moment, les chars allemands, garés en retrait, ouvrent le feu à la mitrailleuse de bord […] puis les corps sont écrasés sous les chenilles des chars. »