En des pages parfois légères, Marie conte une expérience souvent lourde, entre autres de Pied-rouge en Algérie, de soixante-huitarde toulousaine peu engagée, de médecin bénévole des gitans… Et aussi une conscience aigüe de « la vraie vie, celle qui rayonne en dedans, que personne ne voit et qui est pourtant la seule source où se désaltérer. » Ce livre me fut conseillé par ma sœur dont l’auteur a été sa gynécologue. Je n’ai pas de prédilection pour les livres de mémoires, encore moins écrits par un médecin. Mais je dois avouer avoir été très vite subjugué. Il est ici encore plus question de vie que de soins. D’une sensibilité généreuse elle évoque des personnes qu’elle a aidées ou qui l’ont aidée, au cours d’un trajet depuis une enfance compliquée (elle dit sa sœur et elle « peu douées pour la joie ») jusqu’à une maturité, ma foi fort harmonieuse et l’âge plus grand perturbé par la maladie. Rien d’anodin dans tout cela. Tantôt elle évoque les avortements clandestins, tantôt les amis éperdus, sans oublier ses enfants et son époux qui partage son histoire, ni son expérience d’écriture et d’édition. Le coup de chance d’avoir eu l’aide de Claude Roy pour entrer à la NRF chez Gallimard était mérité : « relire, corriger, barrer, nettoyer une phrase… l’écriture… peut se donner pour discipline l’exigence d’une lucidité qui braquera sa lumière sur le mensonge. » Cela donne une belle fluidité apparemment spontanée, voire des passages que l’on aimerait avoir écrits : « des jasmins qui s’écroulent, masses immaculées plus vaporeuses qu’un voile de mariée accroché au grillage. »