Quel livre plus émouvant que celui qui déclare en liminaire d’une quête (enquête) de sa mère assassinée : « Je veux te donner vie » ? On ne résume pas six cents telles pages. Quelques notes cependant. D’abord la photo du cadavre partiellement dénudé et l’évocation du crime ainsi que du petit enfant de la victime (lui-même). Evocation du décor aussi : El Monte, vallée de San Gabriel, où il y avait « des hommes bousillés par la Seconde Guerre mondiale et la Corée […] On pouvait s’en jeter quelques uns derrière la cravate […] On pouvait faire son choix parmi une grosse réserve de femmes. » La force d’Ellroy, et de tout un noir américain, c’est de ne pas oublier le décor social (premier protagoniste). Des tas de crimes vont croiser celui contre sa mère… Je me souviens avoir peiné ensuite, comme l’auteur sans doute, à l’énoncé des rapports de police, passés au crible dans une centaine de pages. Puis, photo de l’enfant et évocation de sa vie avec la mère, et puis – par force – avec le père – qui lui mit en tête que sa mère était une pute – et la résultante de tout ça : « L’unique grand thème de mes fantasmes était le CRIME. » Enfin, après une brève partie sur le policier qui mena l’enquête, celle sur sa mère, une laborieuse recherche conduite par lui-même. Il finira, dans une avalanche de faits et détails, par se réconcilier avec elle : « Dis-moi pourquoi ç’a été toi et pas quelqu’un d’autre. / Ramène moi en arrière et montre moi comment tu en es arrivée là. » Au bout du compte, il en apprend plus que le nom du coupable : « Je ne savais pas qui avait tué ma mère. Je savais comment elle était venue à King’s Row […] Je ne laisserai pas s’installer de fin. Je ne la trahirai pas, je ne l’abandonnerai pas une nouvelle fois. » Où l’on voit que l’auteur ne cherche pas la littérature. On sort de son livre épuisé. Mais en sort-on vraiment ?