Les romans dystopiques ont leurs aficionados car ils brossent un monde futur imaginé en fonction de notre présent. Et bien que l’histoire me passionne toujours, le passé expliquant ce présent, on peut être aujourd’hui anxieux de l’avenir et désireux de savoir quels pourraient en être les contours.
Voici une histoire qui se déroule plusieurs siècles plus tard, dans un étrange monde en partie inconnu suite à un énorme cataclysme. L’originalité est que ce cataclysme n’est pas une catastrophe du genre de la tour infernale, mais plutôt un dépérissement, nommé le Déclin, de la société morte de ses propres défauts. Au Pays des Mères, quelque part sur une Terre dévastée en train de se remettre lentement, les hommes sont très rares. Seules les Captes des Familles – les Mères – font leur enfantes avec les Mâles. Les autres femmes doivent utiliser une forme hasardeuse d’insémination artificielle.
Ceci est l’occasion d’un récit captivant par son mystère, les événements ayant conduit à l’état actuel ne se devinant que peu à peu le long des presque huit cents pages. Captivant, il l’est aussi par ses thèmes, non seulement l’humanité sinistrée géographiquement mais encore sexuellement puisque ne survivent que très peu d’hommes et que l’acte est réservé à une petite élite féminine.
Le roman est aussi bien sûr entreprise d’écriture, notamment avec la féminisation de mots couramment masculins pour désigner les deux genres : « enfante, animale, etc ». On suit plus difficilement le remplacement de il ou elle par Elli, sorte de divinité qui me reste floue.
De la belle ouvrage de romancière ne se bornant pas à distraire. Un regret cependant, en cette dystopie féministe, les errances des monologues intérieurs s’étirent parfois trop en mode échange de collégiennes bavardes. Le même livre en deux cents pages de moins aurait peut-être été meilleur ? Pas sûr, l’auteur a quand même mis vingt ans à l’écrire et le réécrire…