Cet ouvrage est déjà fameux parce qu’il a obtenu le Prix du polar SNCF et qu’il valut à son auteur et à son éditeur un procès intenté (et perdu) par l’Opus Dei. L’héroïne (au patronyme non anodin pour un polar : Montalban) rencontre dans son enquête une affaire qui éclaboussa les Giscard d’Estaing, ainsi que l’Opus Dei où se révèlera tremper quelqu’un qui lui est cher… Bien documenté, c’est conduit avec vigueur et pertinence par une auteure qui sait de quoi elle cause, ayant été elle-même policier. Il y a toujours de l’autobiographie dans tout livre, mais on sait rarement quelle est sa part réelle : « Son père était un homme influent, redouté dans l’espace confiné de la finance, et Carla savait qu’il avait toujours souhaité autre chose que ce métier de flic […] elle avait renoncé dès la classe de seconde à son éducation religieuse, et ce, au grand dam de toute la famille Montalban. » Ayant vécu à Lyon, vieille capitale ouvrière mais aussi bourgeoise, j’ai suivi avec ferveur Catherine Fradier contant une épopée « lyonnaise » qui se finira loin, en distillant parfois un zeste d’horreur sans toutefois se complaire dans le genre. Avant un épisode où l’héroïne se planque dans une charogne – avec puanteur à l’appui – pour régler son compte à qui la traque, j’ai apprécié la sensibilité d’un épisode amoureux accompli dans une traboule, suite à un plan incitatif de fenêtre sur cour. À noter la référence à la mère : « Sa mère avait passé toutes ces années à aimer des enfants qui n’étaient pas les siens, pendant que Carla pleurait sur cet amour dont on l’avait privé. » Une aventure de 400 pages écrite avec conviction par une jeune femme qui tient son histoire sans recette de thriller et la conduit sans jouer les gros bras féministes ni les voyeuses vues.