Un des multiples romans dystopiques paraissant actuellement, celui-ci confirme une vue pessimiste de l’avenir, assez partagée, au moins chez les auteurs. Jeune enfant d’un couple distordu (mère actrice de série et père historien), le héros est pris dans la rupture progressive du couple, en faveur de la mère qui remporte au début du succès. Puis, il l’est dans l’évolution du pays ayant viré au pouvoir d’une femme d’extrême droite dont le populisme retors fait réécrire l’histoire et rafler les livres pour les contrôler et interdire ceux dits dangereux. Sur une terre où il est difficile de vivre entre guerres et nature détruite, il fréquente une partie réservée de la tour des livres où il fréquente un ouvrage de son père sur un camp de concentration de nomades : le camp de Saliers (1942-1944). C’est alors qu’il se met à écrire sur ce livre même, entre les lignes, ce qui en fait une sorte de palimpseste. Nombre de pages du roman sont émouvantes par l’affection et à la fois le reniement du garçon envers ses parents et leur œuvre, tandis que, jouet d’un parti, il devient complice de calomnies envers son père et de fourberie envers sa mère. Sont brocardés au passage le voyeurisme et l’exhibitionnisme des réseaux, ainsi que bien des travers médiatiques contemporains, et surtout le révisionnisme. Avec des lignes fortes et simples comme ces ultimes : «Je marcherai vers la mer. J’y entrerai tout habillé. Le contact de l’eau froide me rappellera des souvenirs. Peut-être était-ce ici, sur cette plage-là précisément, que je me suis baigné la dernière fois. C’était il y a longtemps. Il y avait mon père. Il y avait ma mère. » Belle histoire inquiétante, où l’on suit des rapports familiaux pris dans les démêlés du monde. L’insertion au long du récit d’extraits de textes concernant l’exclusion des indésirables, dérange souvent. De quoi justifier encore le titre de palimpseste à ce texte qu’il faut gratter pour en mesurer tout le contenu.