Ce roman est un beau voyage et aussi un terrible enfermement. Le locuteur conte son séjour à Cuba, sous les affiches révolutionnaires, dans la misère et le faste désuet, parfois dans le lucre et même la prostitution. « Au même moment, Juan Valero, penché sur sa machine, tapait les dernières lignes de son article… » L’écrivain contestataire est emprisonné et subit un calvaire que l’auteur ressent profondément, comme s’il s’agissait de celui d’un père spirituel, tandis que le locuteur vit lui-même avec lucidité des aventures colorées dans l’île de l’embargo où Fidel semble s’éteindre. Il y a des notes qui sonnent juste et bien de la sensibilité dans ce tableau, sans complaisance mais avec affection. L’auteur préfère la concision de la formule à l’abondance des notes, ce qui peut être son talent. J’ai bien aimé les récits du voyage pris sur le vif et l’écriture de l’accablement de l’incarcéré. Mais j’ai trouvé la note anticastriste, probablement juste, un peu réitérative toutefois et sans beaucoup de passion pour le glorieux passé. Question de génération ?
« Dame Nature, elle aussi, semblait vouloir participer aux célébrations officielles, et un cyclone, rien de moins, semblait s’apprêter à s’abattre sur le pays […] Le commandant, qui avait repris du poil de la bête, décida de se mesurer à lui […] Juan, comme tous les Cubains vivant à Cuba, le vit apparaître en direct à la télévision. Le cyclone avait-il eu peur de ce Moïse en treillis ? »
Comme la plupart d’entre nous, malgré talent et succès, Didier n’a que rarement la possibilité de publier chez un éditeur bien diffusé. On ose espèrer que cela n’empêche pas d’écrire encore et toujours…