Voici une histoire de bateau abandonné à quai par son armateur. Les marins s’y trouvent « perdus », loin de leurs femmes… L’écrivain avait attendu longtemps la reconnaissance en écrivant de la poésie, des nouvelles et des reportages, avant sa fameuse trilogie par laquelle la plupart l’a connu et aimé*. Ici on retrouve la conjugaison du drame personnel et du tragique social. La ville de Marseille – « ma ville » écrit toujours l’auteur – est décrite avec exigence et amour, comme une amante. La peinture de l’univers des marins, les damnés de la mer, est lucide et émouvante. Celle de la Méditerranée donne un mélange ahurissant de passion et de culture. Comment faire un roman noir en citant Braudel ? Lisez Izzo ! Et c’est aussi une histoire d’amours d’une telle tendresse qu’on aimerait, malgré les douleurs, les avoir vécues. Parce qu’elles sont l’antidote au désespoir :
« Il repensa au visage rond de Mariette. À son sourire. À son corps tout en plaines et collines. À la paix qui flottait dans son appartement. Cette douceur de vivre… La vie. La vraie vie, peut-être.
― C’est du pipeau tout ça, dit Abdul. Des conneries. Qu’est-ce que ça veut dire résoudre ? Hein ? Il n’y a de solution à rien. Jamais.
― Ah ouais. On va aller trinquer à ça, tiens. »
Une écriture simple et si forte que, non contente de nous prendre, elle se prend enfin à son propre jeu : « Il la reconnut immédiatement, Céphée. Elle était telle qu’il la lui avait décrite. »
* Total Kheops, Chourmo et Solea (Folio).