Ce livre est un bijou de tout petit format rassemblant trois nouvelles parmi plus de trois cents de l’auteur. Maître en la matière, Maupassant donne chaque fois un plaisir renouvelé, celui de l’écrivain qui privilégie parfois le noir, fantastique ou réaliste, mais aussi excelle dans le tableau social vivant tracé d’une écriture apparemment effacée. Ici, le premier texte (qui donne son titre à l’ensemble) est fait de deux lettres, dont l’une est censée être de la main d’une dame pudibonde et l’autre, signée « Henri », lui répond en vantant les plaisirs et bonheurs de la chair. Dans cette situation toute banale on mesure alors combien l’écrivain est davantage qu’un viveur plus ou moins débauché, même bien plus qu’un peintre de la société. Lui qui écrit dans la presse et lit les philosophes, il conteste aussi la morale conservatrice, en l’espèce ici celle du rejet des sens. Car cette morale sent à plein nez la bondieuserie défendue par les réactionnaires qui fusillèrent les Communards peu avant. L’argumentation s’ouvre sur une citation de Musset : « Je me souviens encore de ces spasmes terribles […] / S’ils ne sont pas divins, ces moments sont horribles. » On comprend bien quel est le choix de l’auteur. « L’amour c’est pas la gymnastique », chantait Jean Ferrat. « La caresse, Madame, c’est l’épreuve de l’amour. Quand notre ardeur s’éteint après l’étreinte, nous nous étions trompés. Quand elle grandit nous nous aimions. » « Les femmes caressées à satiété n’ont besoin de rien, ne désirent rien, ne regrettent rien. » Joli programme, non ? Un tantinet machiste, peut-être, quoique… Prenez quelques instants à lire cela pour un peu de bonheur.