La renommée sudiste de Naudy avait précédé notre rencontre à Fronton. Il s’y était montré tout à la fois pensif et fidèle à son passé d’ouvrier et de militant « gauchiste ». Respect, pour la fidélité ! Et aussi pour l’art de conter que je retrouve avec bonheur dans ce recueil de nouvelles situées dans le triangle : Toulouse-Perpignan-Catalogne, durant les années 70-80. La passion du cinéma se retrouve aussi dans ces trajets traités en road moovies. Les tranches de vie et de pensée d’un homme des années de lutte aussi, tant certains textes exsudent une aventure en fractures dont le passé n’est pas, surtout pas, absent. L’« Histoire de Georges Maury Stern » commence durant la non-intervention lors de la guerre d’Espagne… Mais pas de grands mots. De petites vies en grands spectacles, plutôt. Tel ancien guérillero revient après l’échec de la Reconquête du Val d’Aran, les mains déchiquetées par une grenade, muni de désespoir et d’obstination : « Maintenant, il faut vivre plus longtemps que Franco. » Tel autre, ancien résistant, renonce à faire justice à un ancien délateur : « ― C’est lui ? / ― C’est lui, oui. C’est lui et c’est pas lui. C’est un vieux, maintenant. Tout disparaît. » Et quel bonheur, de retrouver une Toulouse, à la faveur de tel ou tel texte où un « héros » regarde au-delà de la rue du Taur. Là où moisissent quelques derniers bouquinistes empêchant sa livraison au tout rénovation du fric, tandis que se dresse la basilique Saint-Sernin. « Elle aussi est faite d’un peu tout : romane, byzantine, arabe de Cordoue. Elle ne sent pas la messe, le sabre et le goupillon comme la cathédrale Saint-Etienne, ou le musée comme les Jacobins, non, elle invite à la rêverie, à la liberté, elle y entraîne le quartier, puis la ville, puis le Midi […] »