J’ai tout aimé de ce petit livre, sauf le titre (pourquoi pas Flingue ?). Une « écriture canaille » pour servir son héros : canaille au grand cœur. Pas le pastiche obligé des grands nord américains grossièrement traduits ! Non, l’esprit et parfois la lettre des truands de Paname, pour dire le génie d’une vie et de sa langue : « Ginette, c’est ma gagneuse, un béguin à douze piges ça laisse des sentiments. Elle aussi elle en pince pour mézigue depuis la communale à Rocroi. » Un mac déjà bien mûr emballe une jeunette qui vient de l’Est. Histoire peut-être banale (« elle avait la dalle ») mais aussi métaphorique du choc des générations. Car de nouveaux trafiquants de chair vont faire payer une note salée à l’ancien. Au-delà du drame commun du héros devenu pépé, formulé avec hauteur de la dérision : « c’est pas toujours le drapeau en haut du poteau », un tableau simple et juste : « en période de chomedû, il y avait des radasses, des indépendantes qui cassaient le marché de la chair ». Pas de moralité ni de nihilisme forcé, une note complice, plutôt : « Ici on baise sans honte, on soulage la misère tout court, le veuf, le reubeuh, le crépu, le malbâti et j’en passe ». Et nuance, l’auteur libertaire n’oublie pas de nommer le responsable, non sans une touche d’humour : « J’étais victime du capitalisme sauvage, d’une OPA hyper hostile de la part de bandits, d’anciens cocos de l’Est. » C’est ma première lecture d’Obione. Pas la dernière sans doute. Qui croit la nouvelle genre mineur ?
La collection « Petit Noir » (une nouvelle par petit livre à 2, 80€) compte déjà une dizaine d’opuscules avec des signatures amies : Desaubry, Blocier et Membribe, et des talents comme Noce. Elle mérite amplement d’être lue et encouragée, d’autant que les éditions Krakoen changent de statut en passant la vitesse supérieure.