Je connais Jacques depuis une certaine performance sur le « bateau-livre » qui rassemblait des auteurs et lecteurs des deux rives du lac Léman il y a… un certain temps. Il conte dans un texte liminaire que « les premières pages furent livrées à Thierry Renard* dans l’urgence d’une manifestation face à la déferlante NATIONALE de 1998, en Rhône-Alpes notamment ». « C’était l’heure où les coqs font coquerico sur les fumiers », ajoute-t-il plus loin. Un des mérites de l’érotisme est qu’il est aussi provocation et résistance à un consensus moraliste régressif. La petite pute a un « client exemplaire, policier de son état » ! D’érotisme, ce livre en regorge, si je puis m’exprimer ainsi, car on n’use point ici de périphrases pudibondes comme « la gorge » pour les seins, en disant les choses par leur nom, quitte à les évoquer crûment : « Farolita, madone fredonnant d’un air apache et pissant clair dans la gorge d’un père de famille » : « Elle affectionnait les cris des essieux des trains qu’elle imitait, il faut me croire, quand, brutalement, me disait-elle, éclaboussait son fruit. » Tout ceci n’exclut pas la sublimation et la réflexion : « Que frappent-ils en eux quand ils vous frappent ? […] Ils ne font que vous attribuer une monstruosité qui ferait de l’ombre à la leur ». Nous voici loin de la gaudriole. L’auteur précise encore : « je tentais désespérément de trouver un chemin d’écriture propre à dire une expérience de la peau, une érotique où, moi, citoyen, je secouerais la poussière du politique ». Pas étonnant qu’il cite Pasolini : « J’aime la vie si férocement, si désespérément […] le soleil, l’herbe, la jeunesse : c’est un vice bien plus redoutable que la cocaïne ». Au bout du compte, un petit livre qui remet les choses en place. Et aussi, qui peut « donner de la joie ». Comme l’eût chanté Charles Trenet.
* Editeur autrefois à Paroles d’Aube, actuellement chez La Passe du vent.