Je me suis jeté sur ce cadeau familial car j’avais entendu du bien de l’auteur, sans l’avoir jamais lu. Bien m’a pris de lire ces nouvelles ! Loin des tribulations autour d’un nombril, sont là écrites des aventures réelles vécues un peu partout de par le monde. C’est que l’auteur, contrairement à qui n’a pas quitté sa chambre du Quartier latin, partit autour du globe, libéré après avoir été condamné à de longues années de prison par Pinochet. L’importance de ses récits de voyage, du Chili à Moscou en passant par pas mal d’autres pays, réside surtout dans son regard pour une réalité, non seulement humaine, mais tout autant sociale et historique, et encore écologique. Impossible d’évoquer chacun de ces trente cinq textes dans lesquels, malgré vents et marées, coups d’état et attentats à la nature, il « continue à noter les merveilles du monde ». Je pioche, un peu au hasard les roses d’Acatama fleurissant brusquement au désert, métaphore du retour de la vie, l’histoire de Balboa qui découvrit au XVIè siècle le futur Honduras en épargnant les indiens, le plaidoyer pour la culture lapone en Suède, l’hommage à un auteur chilien martyrisé, le rêve d’un ciel « plein de jolies filles qui ne disent jamais non » et « où Papa Hemingway reçoit tout ceux qui ont été nobles », le souvenir du « pirate de l’Elbe » résistant en 1400 et les jeunes qui veulent rebaptiser une rue de Hambourg à son nom, la photo des « Roses blanches de Stalingrad » : filles d’un temps oublié où elles formèrent une escadrille combattante contre la Luftwaffe d’Hitler… Il faut parcourir ces pages pour se laisser étreindre par l’émotion humaniste d’un regard à la fois révolté, aimant les autres, fier et heureux des résistantes, jamais replié derrière un bouclier d’égoïsme, toujours convaincu de « parmi tant d’ordures universelles, la dignité de ceux qui gagnent vraiment le pain qu’ils mangent ». Regard enfin d’un auteur écrivant malgré tout avec talent : « Notre langue, c’est notre patrie. (…) car les blessures des héros de la littérature sont rapidement guéries par le baume de la littérature. (…) Lectrice, lecteur, quand tu regarderas une statue sculptée dans le marbre de Carrare, pense aux cavatori et aux marbriers de Pietrasanta. Pense à eux et salue leur digne anonymat. »