Parmi sa vingtaine d’ouvrages Michel a publié une dizaine de recueils de poèmes dont l’un d’eux lui valut le prix Max-Pol Fouchet (Les mains nues ; L’âge d’homme, 1998). Son écriture allie l’élégance à la force de la sincérité et aussi à un esprit humaniste vrai : insoumis et généreux, que l’on retrouve dans sa démarche d’animation d’un site d’hommages aux autres auteurs*. Ce recueil, édité il y a déjà plusieurs années et depuis épuisé, est heureusement réédité par Rhubarbe avec la collaboration pratique de l’auteur (dans le cadre d’un projet de direction de collection)**. Cela valait la peine. Quelle émotion à lire ces « actions de grâce » où l’homme qu’on devine parfois blessé ne cesse de rendre grâce à tout, depuis de petits riens qui ainsi écrits sont tant et tant. On se sent minuscule devant cette énorme force d’amour et de foi, qui n’empêche la colère et la révolte et qui avec tout ça réussit le tour de force de rester simple. Je lui laisse la parole : « Ne t’étonne pas que je rende grâce, moi l’athée / […] C’est sans doute que je parle pour toi, / le temps de t’offrir un verre et que tu sortes de toi-même. » ; « Moi, je leur sais gré [aux fragilités] pour ce qu’elles m’ôtent d’assurance, / […] dans le labyrinthe du cœur de l’autre qu’on n’en finit jamais d’apprendre […] » ; « Oui à toute ivresse qui dit et redit et crie et chante même la soif, la psalmodie, la balbutie / notre soif d’hommes qu’elle n’étanchera pas. » ; « Chacun ses grâces. / Elles ont des noms de femmes, souvent. / Des odeurs de fenaison à fleur de sexes et d’aisselles, / des goûts mêlées de corps aveugles, d’abîme ému […] » ; « Je rends donc grâce à ces riens qu’on appelle escales / […] A cette ivresse qui persiste quand tout déchante […] » Au poète qui aide à vivre, merci !
** J’en profite pour noter combien il faut mouiller doublement la chemise en poésie : après l’écriture il faut souvent aider à l’édition et toujours à la diffusion, tant le marché a marginalisé le lyrisme « gratuit ».