Patrick n’est pas de ceux qui écrivent sans quitter la chambre. Avec son épouse, Marie-Berthe Ferrer, il arpente l’Amérique Latine depuis de nombreuses années. Reporter et photographe, il court le monde à voir, à photographier et à écrire, sans oublier de s’intéresser vraiment aux autochtones (il mène un travail sur l’eau en Amazonie). Ses œuvres ont été acquises par plusieurs musées et collections privées. Si certains peinent longtemps avant une reconnaissance, son talent à lui éclata dès ce premier polar qui, publié en 2002, obtint plusieurs prix. Confirmé par la dizaine de romans qui suivirent, ce coup d’essai donna le tableau le plus original et le plus émouvant sur les mexicains à la frontière des States. Une enquête qui tourne au roman de la route, chargée d’une émotion de photographe : « Il fut distrait à ce moment précis par le disque sanglant qui émergeait d’une lointaine bande de nuages, au large./Difficile de s’imaginer la violence du sort des clandestins qui, ailleurs sur la frontière, cherchaient à passer aux États-Unis. » L’hispanisant voyageur a pêché lui-même l’information sur le vif. Elle est parfois criante, bien au-delà de l’imagination souvent indigente de certains plumitifs cherchant à singer les auteurs yankees. Ainsi cette image de cholos (voyous) incarcérés à la prison d’état de Ciudad Juárez : « Tous avaient au creux de la main, entre le pouce et l’index, les trois points symboliques communs aux gangs, qu’ils fussent Chicanos aux Etats-Unis ou Mexicains à Juárez […] Les surnoms des cholos étaient tatoués à la base de leur nuque, sous les cheveux brillantinés, plaqués sur le crâne par un filet […] qui arboraient une larme tatouée au coin de l’œil, le signe de reconnaissance des taulards.» Et, après la description, cinq mots laconiques : « À longue peine, grande larme. »