Je viens de lire ces textes en un volume publié par Gallimard, belle édition numérotée avec lettres dorées sur couverture cartonnée. N’ayant pas le culte bibliophile mais pratiquant celui de la littérature, je me suis plongé avec curiosité dans ces nouvelles. Beaucoup sont vigoureuses, voire violentes, jusqu’à l’absurde. Certaines surprennent par une écriture sèche que l’on n’attendrait pas de l’auteur de Noces. Peut-être des textes désenchantés après les écrits de jeunesse. Car ce recueil de nouvelles est paru en 1957. C’est la dernière œuvre littéraire de Camus publiée du vivant de l’auteur.
Après « Le Renégat » qui évoque la transformation d’un dévot militant en suppôt de Satan, tout aussi violent vient « Jonas », histoire d’un peintre adulé sans l’avoir vraiment voulu puis vivant la redescente dans l’incapacité de travailler. On pourrait sans doute transposer du peintre à l’écrivain… Surtout je fus surpris par « La Femme adultère »… où nul acte proprement adultère n’est commis mais bien une sorte de « tromperie » psychique et sentimentale lorsqu’elle délaisse la couche conjugale pour une extatique promenade solitaire de nuit. Pas sûr que ce soient ses meilleurs textes mais Camus ne déçoit décidément pas. Car on retrouve aussi ses notes existentielles, tels les mots sur ceux qui couchent seuls  : « tous les soirs dans le même lit que la mort. » Et encore : « l’eau de la nuit commença d’emplir Janine, submergea le froid, monta peu à peu du centre obscur de son être et déborda en flots interrompus jusqu’à sa bouche pleine de gémissements. »