Ecrivain

Catégorie : Coups de coeur et lectures (Page 10 of 17)

MARQUET Fabien, Cent noms d’oiseaux que je n’ai pas appris, poèmes, éd. Encres vives.*

Cette suite de courts textes poétiques invoque des oiseaux, à mon goût avec moins de virtuosité mais plus de sincérité que le long texte de Valère Novarina : Le Discours aux animaux qui eut la fortune que l’on sait. Le premier, un sixain proche du haïku, commence par « Te » au premier vers et « l’amour » au dernier. Est annoncée la couleur, non pas du plumage mais de l’aimée. C’est d’intimité et d’être au monde qu’il s’agit : « nous marchons dans un rêve », « nous ne serons jamais de grands aventuriers » et aussi d’écriture : « Un jour repose toi / laisse ta page blanche / d’elle n’espère rien », avec toujours une présence, celle de l’autre, elle : « Grâce à toi / l’heure est sertie de sable et de prières. » Car si l’on rencontre bien des oiseaux, la clé est peut-être ce poème où « seul le coucou chante / à mes tempes le sang cogne cogne / cent noms d’oiseaux que je n’ai pas appris ». Avec ce recueil la revue Encres vives en est à son 442ème numéro. C’est la plus ancienne revue de poésie qui subsiste en France. Son format cahier rappelle le 21 X 27 des poèmes ronéotés aux débuts par son fondateur. Celui-ci, Michel Cosem, toujours aux commandes, poète, romancier et éditeur donc, je le connus lorsqu’il animait l’atelier de poésie à l’association des étudiants de Toulouse il y a… quelque cinquante ans. Des textes à déguster pour leur concision et leur profondeur en ces temps de bavardage ambiant.

*Michel Cosem, 2 allée des Allobroges, 31770 COLOMIERS.

MALTE Marcus, Intérieur nord, nouvelles, Editions Zulma.

J’ai rencontré Marcus au « Festival Sang et noir » 2010, le premier salon du polar à Perpignan. Parrain du salon, il restait taciturne dans la chaleur des soirées. Comme ma compagne m’encouragea à lire ce « jeune » auteur, je fus accroché par ses nouvelles. Thèmes authentiques, écriture singulière, pas de crimes obligés ni surtout d’affectation de style « noir ». Mais une détresse et une tendresse vitales mêlées dans des aventures déchirantes semblant calquées sur le vif. Telle Musher, histoire d’un homme dans l’abîme immense de la nature et du sort, auquel des gens de rencontre demandent le plus grand et le pire des services… Sans oublier L’Ange pleureur où un jeune côtoie une femme en déchéance qui se révèle être… Je ne dévoile pas les mystères qui vous emporteront peut-être en larmes comme moi. L’écriture est à la fois simpliste et puissante, loin aussi d’autres modes conjuguant de grands écarts entre mièvrerie et obscénité. Dans Jardinier, la brève nouvelle qui commence par la mort du fils, criminelle mais accidentelle, ces quelques mots filés : « Nous n’avons plus jamais fait l’amour, elle [la mère] et moi. Depuis maintenant quatre ans. Au début, tout paraît indécent. » Et dans Jeanne, ma Jeanne, le narrateur vient d’apprendre qu’un Autre a pris sa place chez celle qu’il aime : « […] à l’intérieur. Si loin. Si loin de moi. / A ce moment-là, je me suis rendu compte que je pleurais. […] Je suis resté un bon moment, je crois, sur les bords du lac. Il n’y a pas grand-chose de plus triste qu’un lac. » Malte publie depuis bientôt quinze ans et je n’en savais rien ! Je laisse la conclusion à l’ami Claude Mesplède (Le Magazine littéraire) : « Qu’il écrive pour les adultes ou pour les plus jeunes, Marcus Malte mérite de figurer dans le carré d’as des stylistes français. »

MAILLAND Jean, Village, textes, Ed. Neige et Le bruit des autres.

L’année 2013, l‘auteur vient de publier aussi L’Âge du christ (Ed. L’Amourier), journal d’une année où il eut l’âge en question (1970) et connut en Pologne celle qui serait sa compagne pour laquelle il écrirait la plupart de ses chansons : la talentueuse et belle Anna Prucnal. Il y évoque des souvenirs d’amitié avec Roger et Elisabeth Vailland, ses collaborations avec Planchon, Gatti, Allio, et bien d’autres choses. Dans le recueil de textes variés qu’est Village, voici qu’il égrène poèmes, récits et aphorismes, tressant au bout du compte une suite étrange et touchante. On gobe d’abord des notes villageoises : « Bloqués, laissés pour compte, abandonnés, des hommes et des femmes continuaient à vivre […] mais ces temps il n’y a même plus personne pour les regretter, les vieux ont disparu […] », des désirs de sortie: « Fuir / Loin de cet espace miniature abandonné / Réduit à lui-même » et une définition sans appel : « Le village est un lieu où l’on est désigné. / Où quand on ne l’est pas du doigt, l’on est montré du regard. » Rien à voir avec l’utopie du retour au pays ! Mais pas non plus de réquisitoire d’évidence. La sévérité se double de tendresse lucide, avec des pensées, des portraits et des poèmes qui émeuvent, font songer et gamberger, comme un retour à la fois grave et léger sur un passé lointain se radinant cahin-caha, ainsi qu’il arrive à chacun sur le tard après avoir bourlingué : « Et quand je serai mort / Je boufferai l’homme par la racine », et puis : « la femme du docteur / on l’a retrouvée nue / à consoler son cœur / avec un inconnu […] » et encore : « Polysémie / Frau en vieux français voulait dire effroi / En allemand / Cela veut dire femme ». Sans oublier la dérision : « J’aurais voulu être / Le plus grand poète / De tout l’étang / Disait le crapaud à la grenouille […] ». Un tableau pointilliste où les touches de peinture sentent l’affection autant que l’acide. Quel que soit le désarroi, ces gens-là – et avec eux l’auteur (« Je suis les autres ») – sont comme il est dit dans les épigraphes extraits de Cendrars et de La Bruyère : « L’on voit certains animaux farouches […] ils montrent une face humaine, et en effet, ils sont des hommes. » Pour tous ceux qui garderaient en eux un instinct de fuite hors d’un monde pourri… ce voyage en miettes au passé-présent, le cœur grand ouvert sur l’humanité, à lire avec un coup à boire comme au « café Mairand ».

MAHOUX Bernard, La Malédiction des Trencavel, roman (Ed. Pocket ou Aubéron).

Il fut un temps où les djihadistes étaient envoyés par le pape… Cette suite de romans historiques le conte en quatre tomes, avec moult rebondissements et digressions, comme il se doit. Mais dès le premier (Adelaïs, comtesse de Toulouse), on voit qu’en contant notre passé ces livres « de terroir » disent plus qu’il n’y paraît notre présent. Les amatrices d’états d’âme d’héroïnes actuelles ne seront même pas déçues, tant la protagoniste peut évoquer le destin d’une femme de nos jours. Cette Azalaïs (Adelaïde à la française) était fille du Comte Raimon V de Toulouse et épouse du vicomte de Carcassonne : Rogier II Trencavel, adversaires en guerre fréquente. Elle fut une des premières femmes modernes, à tenter de gouverner elle-même son propre destin, non sans difficultés, emportée qu’elle était entre ses obligations et dans les cataclysmes du temps. Les aventures de l’héroïne qui, bien qu’elle sût monter et se battre, préférait protéger les troubadours et pratiquer plutôt l’amour que la guerre, rappellent la grande Histoire vue parfois par le biais des petites histoires. Mais elles traduisent aussi les passions et aspirations d’une souveraineté féminine en train de s’affirmer. L’auteur est expert en détails d’époque qu’il dispense parfois à foison, comme lorsqu’il décrit les vêtements de sortie du personnage : « Sur une chemise fine plissée au petit fer […] j’avais passé un bliaud de soie au corps fort moulant […] avec des manches rapportées s’ouvrant jusqu’à terre, taillées dans un tissu de soie noire en nid d’abeille. » Mais il tente aussi une compréhension empathique en évoquant la sensibilité de cette femme. De plus, il est capable d’envolées lyriques pour décrire la nature, forêts ou garrigues, avec flore et faune, jusqu’aux hordes de loups, et aussi pour évoquer des palais : « On y circulait sous des arcs entrecroisés, des voûtes aux nervures en étoile, des portes finement ouvragées, encadrées d’un alfiz blanc, de dentelles de stuc, de mosaïques scintillantes […]». De quoi passer le temps avec plaisir, certes. Mais surtout est ici révélée ou confirmée l’épopée du Sud médiéval, l’Occitanie et la Catalogne tant oubliées, temps des croisades contre « le Pays de Cocagne » sous prétexte d’éliminer l’hérésie cathare. On le sait, la mémoire peut être un talisman contre la répétition des catastrophes.

LOUYS Pierre, Manuel de civilité, Ska éditeur (électronique).

Voici un coup de cœur contre un coup de censure. L’éditeur électronique : SKA informe que Apple vient d’indirectement censurer notre ami Michel Baglin, auteur de talent et blogueur généreux en faveur de ses pairs, lequel a préfacé ce texte de Pierre Louÿs dans la collection « Culissime – Perle rose ». Sans même être libertin, tout démocrate a les raisons de la colère. Après L’Origine du monde et autres œuvres d’art, voici donc censuré au niveau mondial une œuvre littéraire bien de chez nous, quoique, aux dires mêmes de son préfacier, le texte ne soit pas un chef-d’œuvre. Selon lui, il « n’a pas toujours bien vieilli. La crudité du vocabulaire et des situations (« Ne masturbez jamais un jeune homme par la fenêtre. On ne sait jamais sur qui cela peut tomber ») n’est plus vraiment transgressive.» Pour moi, je l’ai lu avec une certaine circonspection. Des maximes comme : « Ne pissez pas dans le calorifère » ou bien « Ne faites pas caca dans la crème au chocolat » relèvent plus du pipi-caca que de l’érotique au sens noble. « Ne faites pas aller et venir une asperge dans votre bouche en regardant languissamment le jeune homme que vous voulez séduire. » serait déjà plus réjouissant. Mais ce Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation, était provocateur pour l’époque (il fut publié en 1926). D’emblée, l’affirmation d’une évidente contrevérité situe la démarche. Un glossaire indique : « Nous avons jugé inutile d’expliquer les mots : con, fente, moniche, motte, (etc. etc.) […] » et se conclut par la raison prétendue que « Ces mots sont familiers à toutes les petites filles. » « Alors, enjoint notre ami préfacier, pourquoi lire encore aujourd’hui ce petit texte plus vraiment subversif, même s’il se moque de toutes les censures et de tous les tabous ? Pour la verve, pardi ! » Et il ajoute : «  Enfin, souvenons-nous que l’enragé puritain n’est pas mort et qu’il aurait même une certaine tendance, ces derniers temps, à se réveiller… »  Il n’avait pas prévu à quel point ce puritanisme revient en force. Puisque, pour une couverture bien innocente montrant un buste de jeune fille, Apple qui gère la boutique « iTunes Store » proposant les ouvrages Ska pour smartphone, vient de le refuser au catalogue. Raison de plus pour aller lire ce texte et d’autres sur le site de l’éditeur : http://skaediteur.net/ On y pourra entre autres lire une nouvelle signée par moi-même : Fais moi troubadour (en cliquant sur « articles précédents », en bas à gauche de la page de l’éditeur).

LEROY Jérôme : Un dernier verre en Atlantide édité à La Table ronde.

J’ai rencontré à nouveau Jérôme à Arras (où il a réalisé une très intéressante exposition sur Fajardie, laquelle m’a donné envie de lire cet auteur fétiche de polars qui manquait à ma culture). Il m’a offert ce recueil de poèmes où « L’Atlantide » est le continent disparu du communisme. J’ai appris à mieux connaître cet auteur dit libertin dans ces textes certes d’amour mais surtout de colère et de nostalgie, voire de mélancolie. « Il aurait fallu savoir que c’était le dernier verre. » Pour en avoir peut-être moins de regret ? Ou évaluer la perte à son juste prix. L’ampleur  des sentiments ne se limite pas aux souvenirs de lycéen. Elle s’ouvre en des flashes comme : « Du foutre sur ton visage / et l’Internationale dans l’avenue / L’avenue au soleil », voire en des traits imparables : « Ma vie est un front de mer incertain ». Et ce clin d’œil à Pasolini : « On oublie trop souvent nos maîtres à penser […] Ils devinaient le fascisme consumériste » et aussi à Roger Vailland : « Beaux seins belle édition […] Tu lis 325000 francs […] Qu’il fasse gris ou bleu / Nous importe peu / Vailland […] Une seule vérité dans le Temps / Beaux seins belle édition. » L’auteur sait trop le prix de ce temps pour le perdre. Il écrit partout, au Portugal et à Gijon, à Tel-Aviv et à Athènes, à Moscou et à Cuba… Sans oublier l’ironie (force du révolutionnaire selon Lénine encore) où il fait l’amour à Sarah Palin avec fantasme suprême : « lui demander de garder ses lunettes et son chignon ». Sans perdre non plus espoir en la force d’écrire : « Je veux écrire rimbaud et marx marx et rimbaud ». Il est des poètes qui me plaisent, certains qui me navrent, enfin d’autres qui me comblent. J. R. est du troisième type.

LEROY Jérôme, En Harmonie, Éditions des Équateurs.

Voici un livre écrit en résidence dans le Nord-Pas-de-Calais*. D’habitude, je me tourne plutôt vers des auteurs du sud. Mais j’ai rencontré Jérôme à Perpignan… Son roman hanté par Frédéric Fajardie m’accrocha. J’y ai trouvé aussi la hantise des années de braise françaises, soixante-huitardes (ainsi que pré et post). Et aussi d’un gauchisme ressuscité selon sainte Vanina, personnage actuel de fiction qui concentre rages et espoirs du père, le vrai qui fut ouvrier militant de la GP (Gauche Prolétarienne**), ou le père putatif qu’est l’auteur. Cette jeune militante – à beaux seins, à tant que faire – ose écrire à Fajardie pour demander de l’aide. La demande arrive tard. Trop tard pour empêcher le destin de s’accomplir, la vengeance contre le patron voyou, ex-GP lui-même qui n’hésite pas à comploter la délocalisation de sa boîte… Mais assez tôt pour que l’auteur de polars soit témoin. Dans la vieille querelle de l’utilité de la littérature, Leroy opte pour en faire un outil, voire une arme comme au beau temps du réalisme socialiste. Ainsi ces morceaux d’anthologie : « […] vous avez décidé malgré tout de continuer le combat par d’autres moyens. Vous, en écrivant vos romans qui ne lâchent rien […] », « ses propres préoccupations, à savoir relayer les colères du présent grâce à la littérature. »  Cela donne d’assez beaux moments comme la lettre à l’auteur de polars et aussi la conclusion : « Le 1er mai 2008, certains dirent que Fajardie était mort. D’autres affirmèrent pourtant, à Harnes, Rouvroy ou Beaurains, qu’il leur était arrivé, quand le soir tombait, de croiser un homme grand, au regard très doux derrière des lunettes rondes ». Raison rendue à Lénine qui disait aussi : « Il faut savoir rêver ».


* Avec l’aide du CNL et des instances locales (entre autres l’association « Colères du Présent »).
** Gauchistes activistes plutôt pro-chinois (pour les profanes) et sauf erreur pour ceux du sérail.

LÉPRONT Catherine, Le Beau visage de l’ennemi, roman, Ed. Seuil.

Un chaud commentaire du critique de l’Humanité (Alain Nicolas) et le thème m’ont incité à acquérir ce livre très récemment paru. Il s’agit de la tentative par un Français, ancien mobilisé aux « événements », de faire entendre la vérité à une jeune Algérienne qui lui demande des comptes sur son le sort de son grand-père. Non, il n’a pas trahi son ami, comme il tente de le reconstituer lui-même. Cette plongée dans les arcanes de la mémoire est sans doute bien rendue par les sinuosités du récit et de l’écriture. On y découvrira en tout cas bien des faits méconnus ou oubliés, comme la nomination systématique d’un soldat français « chef » à la tête d’une communauté kabyle issue du regroupement après que les villages environnants aient été rasés… L’écriture me rappelle plus le « Nouveau roman » que les thrillers actuels, ce qui est un hommage à l’auteur… Mais je crains que le lecteur d’aujourd’hui, dressé au mode de récit des séries télévisées, n’ait de la peine à suivre ces errements dans la vérité historique et psychique.
À lire cependant pour le vécu si juste : « […] dans un désespoir irrémédiable mais familier, la mechta, comme toutes les sociétés humaines, finirait bien par admettre sa présence déplacée – il y serait une variante d’idiot ou de putain du village, une sorte de […] ravi. »
Avec parfois de beaux moments de poésie, bien qu’inspirée par une culture plutôt septentrionale : « pour qualifier la teinte des yeux de la vieille femme, émeraude, huître, vert vitrail, ou la couleur de la Manche quand elle a été chahutée, près des côtes vaseuses ou des estuaires limoneux, par des heures et des heures de tempête continue. »

LEYGONIE Alain, Je suis mort, qui dit mieux ? Ed. Descartes et Cie.

Un écrivain voyant que l’on encense les défunts aux funérailles, décide d’organiser sa propre mort simulée afin de jouir des éloges espérés. De la part d’un auteur tel qu’Alain, on se doute que la fable, quoique traitée avec humour, n’est pas frivole. Président de l’Association « Toulouse-écrivains francophones », Leygonie est aussi homme d’engagement. Son roman saisit l’occasion de brosser à la fois l’angoisse de vivre et de conjurer celle de mourir. L’indifférence et parfois la malhonnêteté des éditeurs sont croquées avec acidité, entre autres par l’évocation de lettres aux propos identiques, reçues au sujet de manuscrits différents. L’obsession de reconnaissance de l’écrivain et sa dérision sont peintes aussi avec talent. Cela donne, entre autres pages délectables, celles où l’auteur attend tout de suite un retour au sujet du manuscrit envoyé : « Un coup de téléphone, qui sait, de l’éditeur. Il a repéré votre manuscrit parmi tant d’autres (le flair, le métier) ». Aussi celles où il évoque l’écriture : « Des mois, des années à remplir des pages, à raturer, à déchirer, à froisser, à jeter à la poubelle, à reprendre […] À se lever la nuit pour noter une phrase […] De quoi de venir fou. » Quel homme ou quelle femme qui écrit n’aurait vécu cela ? L’enfant élevé au sérail du Quartier latin, peut-être, s’il existe toujours… Édifiant pour le profane, le livre peut être salutaire à qui est concerné. Mais il va au-delà. Parce que, quand un ami dit au narrateur qu’il pourrait avoir envie de se suicider, une drôle d’idée lui vient … Cet ouvrage, plus profond qu’il n’y paraît d’abord, est aussi souvent drôle : « Le plus difficile, c’était de mourir tout en restant en vie. » Un bon moment.

LESPINASSE Sébastien, R, poèmes enregistrés, éd. Pneuma 01.

Une fois n’est pas coutume, j’évoque un disque… de poésie, sonore s’il vous plaît, non seulement faite pour être dite mais n’existant en fait que par la diction. Car la partition livrée avec n’évoque guère mieux les sons que toute musique écrite. Alors qu’il accomplit des performances depuis des années, au centre Georges Pompidou et bien ailleurs, j’ai rencontré ce jeune homme en l’écoutant dans la cave de la librairie « Le Grand Selve » à Grenade (France) à l’occasion du printemps des poètes en 2012 où je me produisais moi-même, accompagné du pianiste Alain Bréheret. J’avoue une envie à l’égard du poète spontané d’apparence, de la part du travailleur de lettres ayant transpiré des années au fil de milliers de pages pour écrire ses propres livres, doublée du bonheur insigne de rencontrer enfin un « lettriste », un peu « dada » contemporain. Cela me remémore mon père qui fut secrétaire de Tristan Tzara à Toulouse à la Libération, mais encore certaine séance homérique au club de poésie animé pour la génération suivante (années soixante) par Michel Cosem à l’Aget, association des étudiants de la même ville soi-disant rose et volontiers surréaliste. Voici des échantillons du poème intitulé R : « errer errer errer errer » [ter] « errare errare errare errare » [ter] et encore « errance errance errance errance » [ter]… Mais cela ne donne qu’une vague idée… du bruit et du spectacle qu’il faut goûter devant Sébastien en scène. « On gonfle les mots ils gonflent leur peau de mots autour de nos souffles ils me regonflent quand j’expire on ne se dégonfle pas je continue la pression mes doigts crissent le long de la peau plastique ils sont gonflés à bloc parfois les mots me gonflent parfois les mots nous crèvent parfois les mots éclatent. » Que dire d’une telle poésie, sinon qu’il faut l’écouter, sur internet ou bien sur le disque ?

On peut le commander : seblesp@voila.fr  Et mieux encore, si par chance on le peut, il faut l’écouter-voir.

« Older posts Newer posts »

© 2024 Francis Pornon

Site créé par Couleur Nuit - Thème de Anders NorenUp ↑