Ecrivain

Catégorie : Coups de coeur et lectures (Page 14 of 17)

FAJARDIE Frédéric H., Au-dessus de l’arc-en-ciel, Ed. La Table ronde.

C’est Jérôme Leroy qui, avec son livre En Harmonie, m’a donné envie de relire Fajardie. Et j’y ai pris un plaisir extrême. Une histoire de truands bien arrivés dont l’un, assiégé, appelle les autres au secours. Un vieux lien entre eux : le casse du « Golden Eagle », sensationnel coup de bluff et de billets de banque perpétré ensemble en 1944… J’ai appris à aimer l’auteur par le traitement qui sublime cette affaire. Rencontre d’une passion d’écrivain documenté et même, semble-t-il, de connaisseur pour les armes. Peut-être aussi d’une fascination pour des corps d’élite des armées, enviés par le militant gauchiste déjà sur le retour ? D’une idéologie de lutte, en tout cas. Les jumelles sont aussi, à la bonne heure, braquées sur l’Histoire : « L’après-guerre, telle qu’en France elle se dessinait déjà, le décevait profondément : le programme du CNR* jeté aux orties, l’ostracisme du chef de l’état […] / Tout cela, tous ces morts et ces ruines, pour ne pas même avoir changé de monde ? » Quoi qu’il en soit, c’est une belle histoire d’amitié, de confiance et de doute, décrite avec humanité et, même dans l’horreur du combat, avec amour pour les personnages. Telle vulgaire gâchette à contrats évoque sa jeunesse : « Vous allez vous marrer, patron, j’écoutais les yé-yé et je croyais tout ce qu’ils disaient dans leurs chansons. Quand Françoise Hardy disait : « […] Oui mais moi je vais seule car personne ne m’aime», je me disais que c’était très exactement mon cas. » Pour finir, c’est l’amitié, l’amitié vraie, l’amitié jusqu’à la mort, qui l’emporte :

« ― Pourquoi tu es venu, Tom ?

Pour toi. Et pour Pa. Pour moi. Pour eux tous, pour la terre entière, tu comprends ? »

*Conseil National de la Résistance (note de l’auteur).

ELLROY James, Ma Part d’Ombre, Rivages noirs.

Quel livre plus émouvant que celui qui déclare en liminaire d’une quête (enquête) de sa mère assassinée : « Je veux te donner vie » ? On ne résume pas six cents telles pages. Quelques notes cependant.  D’abord la photo du cadavre partiellement dénudé et l’évocation du crime ainsi que du petit enfant de la victime (lui-même). Evocation du décor aussi : El Monte, vallée de San Gabriel, où il y avait « des hommes bousillés par la Seconde Guerre mondiale et la Corée […] On pouvait s’en jeter quelques uns derrière la cravate […] On pouvait faire son choix parmi une grosse réserve de femmes. » La force d’Ellroy, et de tout un noir américain, c’est de ne pas oublier le décor social (premier protagoniste). Des tas de crimes vont croiser celui contre sa mère… Je me souviens avoir peiné ensuite, comme l’auteur sans doute, à l’énoncé des rapports de police, passés au crible dans une centaine de pages. Puis, photo de l’enfant et évocation de sa vie avec la mère, et puis – par force – avec le père – qui lui mit en tête que sa mère était une pute – et la résultante de tout ça : « L’unique grand thème de mes fantasmes était le CRIME. » Enfin, après une brève partie sur le policier qui mena l’enquête, celle sur sa mère, une laborieuse recherche conduite par lui-même. Il finira, dans une avalanche de faits et détails, par se réconcilier avec elle : « Dis-moi pourquoi ç’a été toi et pas quelqu’un d’autre. / Ramène moi en arrière et montre moi comment tu en es arrivée là. » Au bout du compte, il en apprend plus que le nom du coupable : « Je ne savais pas qui avait tué ma mère. Je savais comment elle était venue à King’s Row […] Je ne laisserai pas s’installer de fin. Je ne la trahirai pas, je ne l’abandonnerai pas une nouvelle fois. » Où l’on voit que l’auteur ne cherche pas la littérature. On sort de son livre épuisé. Mais en sort-on vraiment ?

DIDIER Marie, Ils ne l’ont jamais su, Ed. Gallimard NRF.

En des pages parfois légères, Marie conte une expérience souvent lourde, entre autres de Pied-rouge en Algérie, de soixante-huitarde toulousaine peu engagée, de médecin bénévole des gitans… Et aussi une conscience aigüe de « la vraie vie, celle qui rayonne en dedans, que personne ne voit et qui est pourtant la seule source où se désaltérer. » Ce livre me fut conseillé par ma sœur dont l’auteur a été sa gynécologue. Je n’ai pas de prédilection pour les livres de mémoires, encore moins écrits par un médecin. Mais je dois avouer avoir été très vite subjugué. Il est ici encore plus question de vie que de soins. D’une sensibilité généreuse elle évoque des personnes qu’elle a aidées ou qui l’ont aidée, au cours d’un trajet depuis une enfance compliquée (elle dit sa sœur et elle « peu douées pour la joie ») jusqu’à une maturité, ma foi fort harmonieuse et l’âge plus grand perturbé par la maladie. Rien d’anodin dans tout cela. Tantôt elle évoque les avortements clandestins, tantôt les amis éperdus, sans oublier ses enfants et son époux qui partage son histoire, ni son expérience d’écriture et d’édition. Le coup de chance d’avoir eu l’aide de Claude Roy pour entrer à la NRF chez Gallimard était mérité : « relire, corriger, barrer, nettoyer une phrase… l’écriture… peut se donner pour discipline l’exigence d’une lucidité qui braquera sa lumière sur le mensonge. » Cela donne une belle fluidité apparemment spontanée, voire des passages que l’on aimerait avoir écrits : « des jasmins qui s’écroulent, masses immaculées plus vaporeuses qu’un voile de mariée accroché au grillage. »

DUFFAU Hélène A Marana, roman, Editions TME.

Il s’agit d’une affaire de mœurs des campagnes du temps du second empire : pendant la plantation de la grande forêt des Landes, des jeunes femmes disparaissent, enlevées par des brigands. Si j’ai parfois été lassé par la lourdeur de considérations rationalistes ou écolo-scientistes (elles sont d’époque, j’entends bien), j’ai apprécié l’univers marécageux au propre et au figuré, insalubre et un peu flou, ainsi que l’originalité d’une sensibilité féminine à la condition de femmes victimes d’alors. Une conquête se gagne. Après une incubation de rigueur, j’ai été pris par l’écriture originale. Ce devrait être un pléonasme, mais ne l’est plus aujourd’hui où la pensée unique engendre aussi des formes uniques d’expression. Cette écriture passe par-dessus toutes concessions au goût, bon ou mauvais de notre temps, pour développer un phrasé personnel exigeant où la froideur du classicisme finit par s’enflammer dans une musique obsessionnelle. Ceci sans oublier le thème et toute l’information qui accompagne son récit : le développement de la forêt landaise sous l’empire du capitalisme (du Second Empire), avec des « faits divers » du temps et du lieu, tous traités avec sérieux et opportunément, et non pas comme lorsque des cadavres sont pris comme exquis et que des rêves troubles font plutôt florès pour divertir au lieu de réfléchir.
Il n’y a pas d’énigme à proprement parler, l’affaire étant subodorée dès le début. Encore moins de spiritisme ou d’irrationalisme ou même de je ne sais quel machiavélisme international… Mais quelle authenticité, à côté d’une littérature populaire formatée ! Et si, en notre temps de dictature de genre ou de chiffre de vente, l’originalité était aussi une valeur ?

DESPAX Jean-Luc, 9.3 blondes light, Ed. Temps des cerises*.

Le ton est donné dans le titre, pas de préciosité mais des références. Ce recueil de poèmes est difficile à cataloguer, tant il conjugue vers libre et scansion régulière, sujets intimes (l’amour) et la politique, forme soignée et provocation. Les titres signent la provoc : « Cigarette 1 », 2, etc. On n’est pas dans le correct, ni politique ni moral. « Aimer tue / Aimer nuit gravement à votre santé […] Aimer peut diminuer l’afflux sanguin et provoquer l’impuissance… » plagie la campagne de Tartufe de l’Etat contre la clope qu’il taxe en même temps. « La poésie doit avoir pour but la vérité pratique », c’était la devise d’Eluard, reprise par Action poétique et aussi la conviction de la beat generation. La présentation de couverture dit plus : « Il est temps d’engager fraternellement la poésie auprès du peuple qui souffre. » Je reste parfois un peu sur ma faim (l’auteur est prix Arthur Rimbaud !) dans l’expression simple et nue qui serait prose banale sans les césures. Mais on peut citer quelques réussites : « On ne parle pas des poètes morts / A dit le rédac chef adjoint / On ne parle pas non plus des poètes vivants…» Avec l’agrément de trouver des alexandrins : « Alors pour le plaisir de virer parano », on redécouvre celui du sonnet (« Cigarette 32, sonnet zippo »). L’anecdote devient profonde parfois, entre autres au sujet de l’auteur et son éditeur, l’homme ayant bourlingué et la jeune éditrice : « Comme j’ai du temps je vais bavarder / Place du Pouffre avec mon éditrice […] Et Juliette répond aux visiteurs / C’est engagé, oui le texte est hardcore […] »

*Dans sa collection de poésie l’éditeur publie aussi : Sur la barricade du temps, une anthologie bilingue du grec Titos Patrikios et Une autre ville de Vlada Urosevic, un Macédonien qui travailla à la revue Europe.

DESAUBRY Jeanne, L’Incendie d’Halloween, éd. Krakoen.

Ce livre pour « 9 ans et + » risque d’amuser jusqu’à 99 ans. L’histoire commence banalement à l’école mais dérive vite vers l’enlèvement et le tabassage du petit héros. Dur dur, quoique l’on sache qu’il en a réchappé, puisque c’est lui qui conte l’affaire. La gageure de narrer et d’écrire comme l’enfant est un choix risqué, malgré l’aide de « Martin, mon fils, meilleur conseiller littéraire du monde » (selon la dédicace de Jeanne). Voir certaines phrases, sans guillemets ni tiret : « Tiens, il est où le doberman ? » Alors que « pour la première fois de l’année, j’ai un vingt ! En français, en plus ! » assure le protagoniste narrateur. Quadrature du cercle de la langue « populaire » ? Aporie de la littérature… Je dois à la vérité de préciser que, même enfant où je préférais Hugo ou même Chateaubriand, je n’ai jamais été passionné par la dite « littérature-jeunesse ». Mais on trouvera intérêt à lire – et faire lire – cette aventure écrite avec cœur, connaissance des jeunes et aussi bien conduite, avec ses états d’âme, qu’ils soient d’un jeune ou pas : « ― Tu veux que je te dise ? Ma famille, y  des moments où je ne demanderais pas mieux que de la perdre ! » Quelques jolies lignes aussi : « Ombre dans le noir, sans faire le moindre bruit, hormis celui de mon cœur qui tape comme un tambour. » De quoi plaire aux enfants… et se faire plaisir en lecteur, autant que, je l’imagine, l’auteure – elle-même institutrice – a dû se faire plaisir : « La maîtresse, je l’adore ! »

Les éditions Krakoen méritent aussi quelques mots. Avec des noms d’auteurs que je connais et apprécie, comme Jan Thirion et Franck Membribe, cette « autoproduction éditoriale bénéficie du savoir faire mutualisé d’une coopérative qui place ses auteurs au cœur de la chaîne du livre ». Pas facile de se faire une place dans le monde de la petite édition. Et quasiment impossible de se la faire dans celui monopolisé de la diffusion. Pourtant, Krakoen a cinq ans d’existence et 40 titres à son catalogue. Che Guevarra disait : « Soyons réalistes, demandons l’impossible ».

DELTEIL Joseph, La Deltheillerie, Grasset.

J’ai aimé bien des livres de Delteil, ce météore qui, après avoir été la coqueluche de Paris dans les années folles, se retira en son Sud. Une fuite, certes, mais mesurée et consciente.
« J’ai fui. Ce que j’ai fui, c’est ce côté officiel de la littérature, ce côté foire, bazar, bagarre, c’est le métier d’homme de lettres, ses pompes et ses œuvres, ses servitudes sociales, ses obligations mondaines et journalistiques, son Académie… » Une fuite riche aussi de tout ce qu’il a connu, entre autres l’amitié des surréalistes… et l’amour de sa femme, introductrice de la Revue Nègre en France, qui va l’accompagner dans sa retraite. À Pieusse dans l’Aude puis dans sa propriété de l’Hérault, il écrit autrement, du naturel et de la langue, alliage alchimique du bonheur. Cela va de la recette des « tomates à la Lucie » comme on les fait au village dans la Montagne noire : « Le grand péché de la cuisine, c’est la luxure… »*, à une réflexion sur l’écriture dans ce qui sera un peu son testament, cette Deltheillerie conjuguant recul réflexif et ouverture de soi tout grand.
« À vingt ans, j’avais les mots à corbeillées, à romphles, et par dessus le marché. J’écrivais sur mon compte en banque, la banque Dieu. En chasse ! en chasse ! Voici les troupeaux d’épithètes, les volées d’images. Ah ! sentir la pensée soudain prise au piège des mots, comme autrefois en gaougnant je sentais ma truite tressaillir dans la paume de ma main ! »
Peu d’auteurs ont le privilège de combiner Pascal, Rimbaud et Heidegger avec la pensée du peuple méridional, une langue savante, précieuse presque, et le génie du parler occitan. Il y eut Rabelais, il y avait Delteil. Et qui, maintenant ?
* La Cuisine paléolithique (éd Arlea).

DARNAUDET françois : Le Dernier Talgo à Port-Bou, éditions Mare notrum*.

C’est une histoire un peu rocambolesque, mais aussi réaliste, de cadavre en partance à Perpignan… Un roman noir donc, avec une enquête de l’inspecteur Llaubre qui le mènera sur les traces du philosophe juif allemand Walter Benjamin lequel, fuyant l’Allemagne nazie et harcelé par les autorités franquistes, s’est suicidé en passant la frontière à Port-Bou. François Darnaudet est expert en polar comme en pas mal d’autres choses. Rien ne lui échappe au passage de son récit, ni un « canon » militante d’un mouvement nationaliste terroriste de l’Est, ni la polémique au sujet du Valle de los caidos, le monument où repose la dépouille du « Caudillo » Franco, ni la beauté du paysage sous le Canigou : « Au début du printemps, les roses et les blancs des pommiers et des cerisiers éclaboussent la nature dans une débauche de nuances. » J’aime bien cet auteur qui se dit « l’anarnaudet » brocardant « ces tronches dégoulinantes d’encravatés qui s’étaient foutues de la piétaille » et trouve le temps d’écrire aussi du fantastique, d’enseigner les maths et de s’intéresser à la peinture… comme son héros, peintre du dimanche. Il m’avait un jour donné rendez-vous à Collioure aux Templiers, un bar orné de toiles de peintres catalans. Un Homme avec majuscule, qui n’oublie pas l’amour. Celui du fils, présent dans cet ouvrage comme dans son Poulpe Boris au pays vermeil. Et, bien sûr, celui de la femme, quitte à ce qu’elle soit particulière : « C’était une tueuse mais nous baisâmes toute la nuit. Pendant que nous faisions l’amour, j’ai songé à ce tableau de Pieter Bruegel sur la lutte entre les Anges déchus et les Anges du paradis… un entrelacs de chairs, des créatures démoniaques… »

* Mare nostrum est un petit éditeur intéressant dans le grand Sud (Perpignan), centre géodésique le plus éloigné de Paris. Une rareté qui mérite d’être signalée.

DAENINCKX Didier, Galadio, Ed. Gallimard.

L’écrivain se juge à l’écriture. On connaît le coup d’essai de Daeninckx qui fut le fameux coup de maître : Meurtre pour mémoire. Le hasard a voulu que je côtoie Didier en préparant et en publiant mon Poulpe (Saône interdite), en même temps que son second (Ethique en toc). Le tout récent Galadio vient de m’accrocher d’entrée. C’est l’aventure d’un jeune métis, né d’une allemande et d’un noir de l’armée française d’occupation après la Grande Guerre. Sous le nazisme, avec des moments hallucinants comme la chasse aux animaux possédés par les juifs. Le scénario paraît parfois un peu cousu de fil blanc. Parfois moins emballé par la facture au scalpel de certains de ses livres, je trouve l’autofiction ici très réussie. On est en empathie avec son personnage, aussi censé être le narrateur. L’auteur n’a pas besoin de jouer au cynique ni au cruel. C’est le réel qui l’est. Quant à la documentation, elle est évidemment exacte et complète. En témoigne la scène à l’hôpital protestant où l’on doit castrer cet enfant impur dans le Reich… Documentation aussi maniée avec sensibilité, notamment lorsque le héros se retrouve en Afrique : «  comme si je renaissais à la vie. Nous contournons des rizières, des champs d’anacardiers, des plantations de palmiers alourdis par des grappes de noix de coco, puis la forêt profonde se resserre autour de nous comme une nuit végétale. » Avec l’inévitable coup de patte du justicier qui termine par la dénonciation du massacre de Chasselay (près Lyon) où l’armée allemande triait les combattants Noirs pour les faire courir. « À ce moment, les chars allemands, garés en retrait, ouvrent le feu à la mitrailleuse de bord […] puis les corps sont écrasés sous les chenilles des chars. »

CROS Charles, Le Coffret de santal, Ed. Garnier Flammarion.

En résidence d’auteur aidée par le CNL, à Fabrezan (dans l’Aude, à l’orée des Corbières), je redécouvre Charles Cros, natif du lieu, illustre méconnu, pris parfois pour un joyeux farceur. Et ce  bien que – excusez du peu – il fût l’inventeur du phonographe et aussi de la photo couleur (évidemment spolié par des Américains !) en même temps que poète, pair de Verlaine et Rimbaud. Ce volume regroupe un premier recueil éponyme de poèmes et aussi le second, paru après sa mort : Le Collier de griffes. Sacré bonhomme, qui mourra sans tambour ni trompettes en ayant conscience que l’on sera passé à côté de lui sans bien le voir : « J’ai tout touché : le feu, les femmes et les pommes ; / J’ai tout senti : l’hiver, le printemps et l’été ; / J’ai tout trouvé, nul mur ne m’ayant arrêté / Mais Chance, dis-moi de quel nom tu te nommes ? ». Lecture poignante, le temps lui ayant donné raison, ses inventions majeures attribuées à d’autres et sa poésie prise pour mineure, avec Le Hareng saur, tout juste bon à « amuser les enfants, petits, petits, petits. » Et pourtant Juliette Gréco le chanta. Et qui se souvient de Brigitte Bardot gazouillant dans le film Vie Privée de Louis Malle : « Sidonie a plus d’un amant, / Qu’on le lui reproche ou l’en loue, / Elle s’en moque également, / Sidonie a plus d’un amant. » (Triolets fantaisistes) ? Par-dessus le jongleur de mots précurseur du surréalisme, cet auteur laissa aussi quelques pièces mordues d’angoisse après la Commune où il participa comme brancardier : « Ceux qui l’aiment disent : « Ce soir, / sera-t-elle vivante ou morte ? » / Les pauvres dont elle est l’espoir / Regardent au trou de la porte. » Il s’agit de la France, autant que de l’insurrection, peut-être aussi d’une amoureuse moribonde, pourquoi pas du pays perdu au loin et dont « on languit » tandis qu’il se déglingue. Ce poème, La Blessée, est dédié : « À ma mère », c’est tout dire. Que le lecteur se rassure, on rigole pas mal quand même. Cros est orfèvre en la matière : « Joujou, pipi, caca, dodo. » / « Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. » Le moutard gueule et sa sœur tape ». Sans oublier de sages conseils, connus mais toujours bons, avant qu’il soit trop tard : « Baisons-nous, avant que mon sang se fige. » Un bol d’air pur sur un marché du livre souvent nauséabond.

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