Je connais Michel depuis le club de poésie qu’il animait à l’AGET (Association des étudiants de Toulouse) avant 68… Il donne ici, après maintes publications, un nouveau roman mettant en scène l’épisode historique des « Demoiselles » : des jeunes gens masqués en fantômes pour lutter contre l’accaparement des forêts au profit des maîtres de forge dans l’Ariège au mitan du XIXème siècle*. L’auteur, très informé de la vie et de la situation qu’il évoque, ne se croit pas tenu de respecter les règles d’une psychologie et d’un exotisme du roman historique. Il traite plutôt ce roman comme une suite d’épisodes de feuilleton où les personnages partent et se retrouvent en fugues musicales et picturales. Bonheur des descriptions de nature : « les grandes pentes boisées de hêtres, de chênes, parfois de sapins, ces étendues rousses de feuilles d’automne cachant à peine la fente étroite des sources et des ravines ». Plaisir des indications aussi : « La forêt […] c’était tout un monde d’hommes étranges et de bêtes fantastiques. Les contes ne manquaient pas pour forger l’esprit depuis l’enfance […] Tous avaient dans un recoin de leur tête un endroit obscur où s’endormaient les loups et les ours ». Pendant que dans les villes, sur ordre de Paris, s’épanouit une classe que le capitalisme enrichit de ce qu’il dérobe aux prolétaires, les enfants de paysans crèvent de faim dans le Couserans où la pomme de terre est malade et où l’on vole les forêts jadis communes. Mais rien d’ennuyeux dans cette histoire d’amour des gens de peu. Il y a les luttes et les fêtes, le dresseur et montreur d’ours, le truand, le contrebandier, etc. sans oublier la belle institutrice, aimée du beau Micoulaou avec qui elle s’égare plus d’une fois dans ces bois : « Le garçon fut sur elle comme un loup sur une louve. Elle l’aida, tant il était avide, à entrer en elle. / Ce fut longtemps après qu’ils se séparèrent, se regardant et riant des petits pétales collés à la sueur de leur visage […] »
* Cette histoire des « Demoiselles », révolte célèbre dans le Sud, inspira aussi Jean Boudou dans son roman éponyme : Les Demoiselles (aux éd. Du Rouergue) que j’évoque dans mon livre : En Algérie sur les pas de Jean Boudou (Ed. Vent Terral).