C’est une histoire un peu rocambolesque, mais aussi réaliste, de cadavre en partance à Perpignan… Un roman noir donc, avec une enquête de l’inspecteur Llaubre qui le mènera sur les traces du philosophe juif allemand Walter Benjamin lequel, fuyant l’Allemagne nazie et harcelé par les autorités franquistes, s’est suicidé en passant la frontière à Port-Bou. François Darnaudet est expert en polar comme en pas mal d’autres choses. Rien ne lui échappe au passage de son récit, ni un « canon » militante d’un mouvement nationaliste terroriste de l’Est, ni la polémique au sujet du Valle de los caidos, le monument où repose la dépouille du « Caudillo » Franco, ni la beauté du paysage sous le Canigou : « Au début du printemps, les roses et les blancs des pommiers et des cerisiers éclaboussent la nature dans une débauche de nuances. » J’aime bien cet auteur qui se dit « l’anarnaudet » brocardant « ces tronches dégoulinantes d’encravatés qui s’étaient foutues de la piétaille » et trouve le temps d’écrire aussi du fantastique, d’enseigner les maths et de s’intéresser à la peinture… comme son héros, peintre du dimanche. Il m’avait un jour donné rendez-vous à Collioure aux Templiers, un bar orné de toiles de peintres catalans. Un Homme avec majuscule, qui n’oublie pas l’amour. Celui du fils, présent dans cet ouvrage comme dans son Poulpe Boris au pays vermeil. Et, bien sûr, celui de la femme, quitte à ce qu’elle soit particulière : « C’était une tueuse mais nous baisâmes toute la nuit. Pendant que nous faisions l’amour, j’ai songé à ce tableau de Pieter Bruegel sur la lutte entre les Anges déchus et les Anges du paradis… un entrelacs de chairs, des créatures démoniaques… »
* Mare nostrum est un petit éditeur intéressant dans le grand Sud (Perpignan), centre géodésique le plus éloigné de Paris. Une rareté qui mérite d’être signalée.