Il s’agit d’une affaire de mœurs des campagnes du temps du second empire : pendant la plantation de la grande forêt des Landes, des jeunes femmes disparaissent, enlevées par des brigands. Si j’ai parfois été lassé par la lourdeur de considérations rationalistes ou écolo-scientistes (elles sont d’époque, j’entends bien), j’ai apprécié l’univers marécageux au propre et au figuré, insalubre et un peu flou, ainsi que l’originalité d’une sensibilité féminine à la condition de femmes victimes d’alors. Une conquête se gagne. Après une incubation de rigueur, j’ai été pris par l’écriture originale. Ce devrait être un pléonasme, mais ne l’est plus aujourd’hui où la pensée unique engendre aussi des formes uniques d’expression. Cette écriture passe par-dessus toutes concessions au goût, bon ou mauvais de notre temps, pour développer un phrasé personnel exigeant où la froideur du classicisme finit par s’enflammer dans une musique obsessionnelle. Ceci sans oublier le thème et toute l’information qui accompagne son récit : le développement de la forêt landaise sous l’empire du capitalisme (du Second Empire), avec des « faits divers » du temps et du lieu, tous traités avec sérieux et opportunément, et non pas comme lorsque des cadavres sont pris comme exquis et que des rêves troubles font plutôt florès pour divertir au lieu de réfléchir.
Il n’y a pas d’énigme à proprement parler, l’affaire étant subodorée dès le début. Encore moins de spiritisme ou d’irrationalisme ou même de je ne sais quel machiavélisme international… Mais quelle authenticité, à côté d’une littérature populaire formatée ! Et si, en notre temps de dictature de genre ou de chiffre de vente, l’originalité était aussi une valeur ?