« On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ». Cette phrase du Président Macron prévoit des universités à l’anglo-saxonne, où les étudiants s’endettent pour financer leurs études, véritable cadeau aux banques et dramatique sélection sociale. Alors, annonce-t-il un enseignement supérieur néolibéral « à l’insu de notre plein gré » ?

Pour tenter de justifier ses propos et son programme, Macron ment éhontément sur une série de sujets : 50% des étudiants seulement se présenteraient aux examens de première année (alors que le taux de passage en L2 est de 53%), la France serait le pays qui a le taux de financement public de l’Enseignement supérieur le plus élevé, alors que plusieurs pays du Nord de l’Europe notamment affichent des taux supérieurs…

Voici qui inspire le questionnement suivant : pourquoi cette attaque contre – je dirais – l’université à la française ?

Pour comprendre le projet macronien d’enterrer l’université dans un modèle capitaliste, il faut le resituer dans le contexte où « Le monopole du savoir, qui était détenu par l’école et par l’université, a été capturé par la télévision, la radio, les médias au sens large. » selon le constat de Michel Serres. Alors que – disons depuis la Révolution française – une pensée et une culture savantes en lien avec une pratique sociale, sinon socialiste, dominaient et impulsaient la vie intellectuelle française et même la vie tout court, c’est en effet par les médias que s’est établie au XXe siècle une domination publique d’une idéologie et de modèles néo-libéraux.

Avec les Lumières – suivies de la Révolution – naquit l’idéologie du libéralisme, soient avec John Locke, suivi de Montesquieu, Voltaire et Rousseau, ainsi que David Hume et Adam Smith. Ces penseurs prônèrent la liberté intellectuelle (y compris la liberté de conscience). Cela allait avec une liberté économique (c’est-à-dire le droit d’avoir et d’utiliser la propriété). A noter que tout ceci s’opposait à un état absolu, on dirait aujourd’hui : totalitaire. Paradoxe de l’histoire, cette conception libérale (les droits de l’homme = joyaux de la civilisation) a été suivie du néolibéralisme moderne qui préconise toujours moins d’état, quitte à laisser toute latitude au privé, c’est à dire à contrer ce que l’état républicain avait instauré. « Ce que je voudrais vous montrer, c’est que le néolibéralisme est tout de même quelque chose d’autre. » [entendons : d’autre que le libéralisme] souligna Michel Foucault.

Aujourd’hui donc, (c’était le 13 janvier, dernier, quand la très grande majorité du monde de l’éducation était en grève et en manifestation), un président de la république française présente devant les présidents d’université son programme pour l’enseignement supérieur. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne manque pas d’estomac. Car il s’agit tout simplement de mettre cap au privé et au néolibéralisme. A bien le lire, le président-candidat propose ni plus, ni moins que de transformer l’enseignement supérieur en un organe de pensée néolibérale ainsi qu’en un instrument d’apprentissage et de développement de la pratique économique néolibérale.

Pour le sourire, notons que les universitaires, sensés nourrir autrefois la domination idéologique des socialismes, voire du marxisme, portèrent souvent le treillis et la barbe des « barbudos ». Ils iront maintenant plutôt en costard trois pièces, quand ce ne sera pas le crane rasé ! Resterait à distinguer le moine sous l’habit, soit à faire le point des tendances réelles des enseignants.

On ne sourit plus à réaliser le véritable programme de Macron pour l’enseignement supérieur : hausse des frais d’inscription avec mise en place de crédits étudiants, élitisme, professionnalisation de l’enseignement pour coller aux besoins économiques, poursuite de l’autonomie des universités et de leur mise en concurrence, casse des statuts, poursuite de la sélection, etc. Or, il suffit, hélas, de se pencher un peu dans la rue pour apercevoir la réalité des étudiants : quand certains cohabitent à plusieurs, d’autres dorment dans une voiture, la plupart cherchent de petits boulots et beaucoup trop mangent à la soupe populaire.

A Toulouse, le crédit municipal à prêt sur gage (communément dit « chez ma tante ») se situe en ville : rue des Lois, proche de l’Université du Capitole. Sans commentaire !