Je n’ai guère l’âme d’un délateur, mais mon regard curieux est attiré par une situation étrange : les pistes de la digue rive gauche de la Garonne encombrées de promeneurs ! Alors que la préfecture de Haute-Garonne a pris la décision de prolonger la fermeture des secteurs de plaisance à Toulouse comme les quais de la Garonne et la prairie des Filtres, voici donc que l’on peut cheminer et aussi s’asseoir sur la partie en question : les pistes bétonnées qui suivent la digue en haut et en bas.
Impossible de rater cette digue de la rive gauche, haute muraille de béton que certain disent trop haute : « la rive droite serait inondée avant que le niveau de l’eau atteigne son sommet », et regrettent que, élevée au bord de la Garonne, elle sépara le quartier du fleuve après démolition des jardins.
En fait, une grande partie de la ville de Toulouse est protégée des inondations par un système d’endiguement datant pour les plus anciens secteurs du XVIe siècle, achevé dans sa configuration actuelle à la fin des années 60, puis rénové. La digue de l’avenue de Muret entre le pont Saint-Michel et le pont de la Croix-de-Pierre, à parement maçonné côté Garonne et enherbé côté ville, est haute de 8 m et permet depuis longtemps de suivre d’en haut le cours du fleuve. Mais elle coupait ce fleuve de ses riverains.
Adieu les guinguettes des terrasses au bord de Garonne, adieu les promenades en barque, adieu aussi les baignades dominicales ! C’est pourquoi – après de longues demandes – furent suspendus des escaliers et des plans inclinés permettant l’accès à une nouvelle promenade cyclo-piétonne, située à la base de la muraille. Cette zone de passage proche de la Garonne conduit soit en amont, soit au centre. C’est également lieu de loisir apprécié et fréquenté, offrant même un mur d’escalade très utilisé par des grimpeuses et grimpeurs.
Or donc, tandis que l’on est arrêté à l’entrée de la Prairie des filtres par des barrières agrémentées d’un cerbère en uniforme, on peut sans souci descendre au pied de la digue ou bien monter à son sommet, afin de cheminer le long du fleuve, en direction de l’amont vers le pont Pierre de Coubertin (pont du Stadium) et plus loin encore jusqu’à la rocade et même à l’Oncopole.
A la vérité, la piste inférieure au bord du fleuve fut aussi durant le confinement fermée de barrières portant des écriteaux qui menaçaient le contrevenant de tous les risques possibles. Mais il suffisait de s’en approcher pour constater que les barrières étaient repoussées et que les promeneurs et sportifs descendaient escaliers et plans inclinés opportunément établis après des décennies de coupure entre riverains et fleuve.
Pour le sourire, les barrières ont aujourd’hui disparu devant le désir de liberté. S’agit-il de désobéissance citoyenne ou bien de tolérance municipale ? Probablement les deux, mon capitaine, l’une ayant inspiré l’autre, ce qui s’appelle naviguer à vue. C’est ainsi que si vous passez par-là le mercredi ou la fin de semaine, vous pourrez croiser maints piétons et cyclistes, et admirer les pêcheurs et les groupes de grimpeurs sur le mur d’escalade. Comme quoi, plus le temps passe, et quel que soit le risque (lequel reste d’ailleurs à démontrer), il devient difficile d’empêcher de jouir sans entrave. Merci l’esprit de soixante-huit !
Pour la grimace, je rappelle à toutes fins utiles, que jusqu’au mardi 18 mai à minuit, restent interdits à la population les lieux suivants :
– Les berges de la Garonne situées en contrebas de la place Saint-Pierre, du quai Saint-Pierre, du quai Lucien Lombard, du quai de la Daurade, du quai de Tounis et correspondant à la promenade Henri Martin.
– La place de la Daurade.
– La prairie des Filtres.
– Le quai de l’Exil Républicain Espagnol.
Je rappelle aussi que le non-respect de cette obligation expose les contrevenants à une amende de 135 euros jusqu’au mardi 18 mai à minuit donc.
Et je note l’exception faite pour les pistes de la digue rive gauche, ce lieu sans doute moins connu et plus éloigné pour les étudiants et les travailleurs du centre. Ce qui confirme, s’il en était besoin, que les quartiers rive gauche, surtout au Sud, sont à part de la cité. Non loin du Mirail, ils restent aujourd’hui, moins policés que le centre-ville avec leur population plus mêlée et leurs jardins privatifs. Ce qui en fait les travers, et aussi le charme.