Lors de la guerre de 14-18 et de la grippe espagnole, on transforma provisoirement divers édifices en hôpitaux dits « auxiliaires » suppléant les hôpitaux normaux.
On retrouve parmi ces hôpitaux auxiliaires certains lieux toulousains que j’ai déjà évoqués. Ainsi l’ancienne école normale d’instituteurs avenue de l’URSS et aussi les hôtels particuliers JOB (dits hôtels de Marsan et Calvet) boulevard de Strasbourg. Peu de documents existent sur cette histoire mais on peut contempler sur un site les photos de lits alignés et de malades et d’infirmières. Et je m’imagine alors emplis de blessés, de malades et de soignants, ces dortoirs de l’école normale où, adolescent, dans un système qualifié alors de « semi-disciplinaire » je passai quelques décennies après environ 500 nuits (j’ai compté).
Une citation maintenant : « L’étude […] de la pandémie de 2009 laisse perplexe quant à la capacité du système de santé à faire face à une nouvelle pandémie de l’ampleur de celle de 1918. » Conclusion de la thèse de médecine publiée en 2017 par le Dr. Pierre ALQUIE officiant à Blagnac.
Dans ce document : La grippe espagnole à Toulouse 1918-1919, on estime que 2200 patients décédèrent dans la ville de cette pandémie (soient plus de 1 pour 100 habitants). Selon le journaliste et romancier Paul Guth, alors jeune enfant scolarisé dans la Ville rose, « des charrettes chargées de cercueils passaient dans les rues de Toulouse ».
L’adjectif « espagnole » qualifiant cette épidémie de grippe qui sévit alors viendrait de ce que les belligérants (dont la France) communiquèrent peu à ce propos en temps de guerre ou d’après-guerre, tandis que l’Espagne restait en dehors du conflit. Il existe d’ailleurs fort peu de documents à ce sujet et je note que le maire de la ville rose : Jean Rieux (un socialiste dont le conseil municipal n’avait pas jugé bon de se rendre aux obsèques de Jean Jaurès) affirma que : « l’état sanitaire… accuse néanmoins une augmentation importante dans le nombre de décès… sans être alarmant » !
Des malades de la grippe se déclarèrent forcément dans l’un ou l’autre lieu quoique on recommanda de soigner les grippés à domicile. Et nous voici renvoyés à notre présent : confiner ! Sauf qu’il s’agissait alors de confiner les malades et non les indemnes… Exception faite pour La Grave, l’hôpital déjà évoqué dans ma dernière chronique à propos de la peste, où l’on isola des grippés dans un bloc unique en lequel s’entassèrent des indigents ou isolés, n’ayant aucune famille pour s’occuper d’eux.
Parmi les mesures édictées figurent évidemment la fermeture des écoles et le préfet recommandait (je dis bien recommandait et non interdisait) : « ne pas aller dans les théâtres, concerts, cinémas, cafés ; (de) ne pas faire de stations prolongées dans les églises et dans les temples ; (de) ne pas s’attarder dans les magasins ; (de) faire usage le moins possible des tramways. » « Merci de ne pas… cracher dans le tramway ! » proclamaient des écriteaux fixés aux portes des voitures que l’on tâchait de désinfecter.
Moins drôles furent les restrictions concernant les enterrements : un arrêté du maire supprime complètement les convois funèbres tandis que sont fixées des heures exclusives de réunions aux cimetières en vue des inhumations. Monseigneur l’Archevêque ordonna de faire dans toutes les églises du diocèse les prières officielles pour le temps de l’épidémie et d’exposer dans l’église Saint-Sernin les reliques des Saints invoqués contre la maladie.
Parmi les victimes de la grippe espagnole : le député de Toulouse Albert Bedouce, socialiste qui avait côtoyé Jaurès, père entre autres de la fameuse « bedoucette » (la poubelle locale), fut hospitalisé mais n’en mourut pas. Ses lointaines successeures, les deux députées de la Haute-Garonne Elisabeth Toutut-Picard et Sandrine Morch, sont récemment testées positives au Covid-19.
Nous leur souhaitons prompt rétablissement, tout en souhaitant aussi que de nos jours ne succède pas à notre grave crise un pouvoir plus antidémocratique comme celui de la « chambre bleu horizon » (la plus à droite depuis l’après Commune de Paris) ainsi qu’il arriva après la guerre et en pleine épidémie en 1919.