Le titre de ce recueil de poésie parle déjà fort de ce corps, celui de l’auteure (comme on dit couramment dans son Québec), à la fois comblé et déchiré dans l’amour de l’Autre, masculin. Le thème du besoin absolu de l’homme et à la fois du réquisitoire contre lui, logique et aussi devenu aujourd’hui « trivial », au sens classique (connu de tous), tellement qu’il en devient obsessionnel chez des femmes… et chez des hommes en conséquence ! La poésie contemporaine, lue par trop peu de lecteurs, se montre ici capable d’exprimer les préoccupations les plus intimes et aussi urgentes. De quoi remercier La Passe du vent de nous offrir dans ce recueil coédité, la connaissance d’une poétesse d’outre atlantique, en français. Tout ceci n’est pas rien, dans la domination d’un marché du livre par des marchands qui courent l’aventure plus que la littérature et donnent aux riches en portant au pinacle certaines littératures noires exotiques en langues étrangères… L’écriture est précieuse ici, coupée au scalpel et jetée de cris. Voici un aperçu en quelques lignes : « l’in-quarto de mon sexe qu’il fallut bien couper/les pages lues d’apprendre les baisers pour toi […] c’est Babel dans nos bouches/sous ma main vibre la manne de nos différences […] Tu me désosses/tu cherches la moelle pas l’armure/tu fais boucherie de mes convictions […] grand mâle brillant des pacotilles des Noëls/tu saccages mon paysage et m’apportes/la lumière l’eau chaude et le cancer […] Toi parti je reste morcelée ». Dans un avant-propos, Nancy Huston (excusez du peu) explique :
» L’homme parti, l’éternel présent de ses caresses devient passé. Que cesse la surdité et que sourde la parole. »