Il y a quelques années, Lawrence Ferlinghetti, poète états-unien a reçu le premier Prix international de poésie du Pen Club hongrois. Apprenant que le Premier ministre Viktor Orbon est un commanditaire partiel du prix de 50 000 euros, il refusa le prix au motif que le gouvernement de M. Orban restreint les libertés civiles et la liberté d’expression pour le peuple hongrois.
Ferlinghetti vient d’avoir cent ans et, en poète jadis éditeur de la Beat generation, il reste dressé dans ses rejets et ses aspirations, n’hésitant pas, quoique peu argenté comme sont la majeure part des artistes, à refuser une manne financière par idéal. Aucun rapport, pourrait-on penser, avec le projet de réforme des retraites qui fait l’objet d’un vif mouvement social en France.
Et pourtant si… Le poète ne chante pas que la nature (et encore y a-t-il de quoi refuser qu’on la saccage), il stigmatise inégalité et injustice et il appelle à la rébellion. C’est lui qui publia Ginsberg titrant Howl (Hurlement). Or, en contemplant dans l’Huma dimanche un dessin d’humour où le 1er ministre Edouard Philippe déclare : « Je vous ai entendus… mais j’en ai rien à foutre ! » me viennent en pensée quelques réflexions.
Tout d’abord, si l’ironie garde un pouvoir de conviction ou du moins de suspicion, la poésie à disparu de nos médias politiques, peut-être aussi des autres. Ensuite, quand les dirigeants font fi de l’avenir, ils dénotent un désastre énorme de civilisation qui sacrifie ses générations futures. Enfin, à quel point l’humanité tombe-t-elle si bas qu’elle se donne des dirigeants qui n’ont cure du sort de leurs propres enfants et de leurs descendants ?
Avis aux amateurs, le poète Ferlinghetti déclare :
« Si vous êtes poète, créez des œuvres capables de répondre au défi de
temps apocalyptiques, même si ce sens semble apocalyptique.
Vous êtes Whitman […] vous êtes Emily Dickinson […] vous êtes Neruda et Maïakovski et Pasolini, vous êtes un Américain ou un non-Américain, vous pouvez conquérir les conquérants avec des mots. »