J’ai rencontré à nouveau Jérôme à Arras (où il a réalisé une très intéressante exposition sur Fajardie, laquelle m’a donné envie de lire cet auteur fétiche de polars qui manquait à ma culture). Il m’a offert ce recueil de poèmes où « L’Atlantide » est le continent disparu du communisme. J’ai appris à mieux connaître cet auteur dit libertin dans ces textes certes d’amour mais surtout de colère et de nostalgie, voire de mélancolie. « Il aurait fallu savoir que c’était le dernier verre. » Pour en avoir peut-être moins de regret ? Ou évaluer la perte à son juste prix. L’ampleur des sentiments ne se limite pas aux souvenirs de lycéen. Elle s’ouvre en des flashes comme : « Du foutre sur ton visage / et l’Internationale dans l’avenue / L’avenue au soleil », voire en des traits imparables : « Ma vie est un front de mer incertain ». Et ce clin d’œil à Pasolini : « On oublie trop souvent nos maîtres à penser […] Ils devinaient le fascisme consumériste » et aussi à Roger Vailland : « Beaux seins belle édition […] Tu lis 325000 francs […] Qu’il fasse gris ou bleu / Nous importe peu / Vailland […] Une seule vérité dans le Temps / Beaux seins belle édition. » L’auteur sait trop le prix de ce temps pour le perdre. Il écrit partout, au Portugal et à Gijon, à Tel-Aviv et à Athènes, à Moscou et à Cuba… Sans oublier l’ironie (force du révolutionnaire selon Lénine encore) où il fait l’amour à Sarah Palin avec fantasme suprême : « lui demander de garder ses lunettes et son chignon ». Sans perdre non plus espoir en la force d’écrire : « Je veux écrire rimbaud et marx marx et rimbaud ». Il est des poètes qui me plaisent, certains qui me navrent, enfin d’autres qui me comblent. J. R. est du troisième type.