Je n’ai pas l’habitude de lire un auteur adulé des médias tandis que tant d’autres se morfondent dans une méconnaissance navrante. Ce livre est réédité – et distribué – très largement par France-Loisir, rivale déloyale des librairies. De plus, certains critiques, tel Patrick Besson, trouvent dans ses lignes des « idées toutes faites ». Mais ce roman, tiré de la bibliothèque de ma mère, évoque des événements qui ont eu lieu à Toulouse pendant la Résistance où s’était engagé mon père. Deux raisons particulières de se plonger dans sa lecture… ce qui n’exclut pas toutes les autres.
Comment ne pas être ému par ce récit évoquant la toute jeunesse du père de l’auteur, Raymond, résistant à dix-huit ans (au pseudo de Jeannot), qui hante les rues de la ville rose avant d’être emprisonné à la prison Saint-Michel puis de s’évader du « train fantôme » errant plein de déportés vers les camps. Surtout, le parti pris de conter à la première personne en une pseudo autobiographie, est touchant, même s’il est plus ou moins réussi. On y retrouve des épisodes marquants de l’Histoire de l’Occupation à Toulouse, un dispositif artisanal pour lancer des tracts depuis les toits au passage de Pétain en visite, l’affaire Marcel Langer, guillotiné à la prison Saint-Michel, puis l’attentat contre le procureur qui l’avait fait condamner. Et encore l’attentat manqué au Cinéma les Variétés, dont furent victimes leurs auteurs évoqués malgré une étrange omission, celle du chef du commando : David Freiman. La Résistance est et reste pleine de mystères…
J’ai pris plaisir à suivre péripéties et états d’âme contés d’une écriture simple, sans effet, parfois confinant toutefois au banal de l’oralité (« un truc aussi vieux que le monde »), on l’a déjà dit. Si ce livre est prenant, je regrette pour ma part qu’il soit un hommage au père un peu sage, voire édulcoré, dans l’évocation d’une situation pourtant sauvage où les jeunes en question vivaient des péripéties et des passions souvent extrêmes. De plus, à voir l’abondance des « réussites » de Marc Levy (livres, films, BD…), je me demande si la place de ce père évoqué et invoqué, écrivain et éditeur, n’expliquerait pas, en partie au moins, la notoriété du fils. À sa décharge, l’auteur avait déjà largement acquis sa notoriété lorsqu’il entreprit ce livre inattendu.
Rien qui vaille d’en bouder la lecture pourtant. Cette histoire, celle de nos parents et aïeux, c’est la nôtre, tout simplement. Et rien ne serait pire que de l’oublier.
Francis Pornon.