Un écrivain voyant que l’on encense les défunts aux funérailles, décide d’organiser sa propre mort simulée afin de jouir des éloges espérés. De la part d’un auteur tel qu’Alain, on se doute que la fable, quoique traitée avec humour, n’est pas frivole. Président de l’Association « Toulouse-écrivains francophones », Leygonie est aussi homme d’engagement. Son roman saisit l’occasion de brosser à la fois l’angoisse de vivre et de conjurer celle de mourir. L’indifférence et parfois la malhonnêteté des éditeurs sont croquées avec acidité, entre autres par l’évocation de lettres aux propos identiques, reçues au sujet de manuscrits différents. L’obsession de reconnaissance de l’écrivain et sa dérision sont peintes aussi avec talent. Cela donne, entre autres pages délectables, celles où l’auteur attend tout de suite un retour au sujet du manuscrit envoyé : « Un coup de téléphone, qui sait, de l’éditeur. Il a repéré votre manuscrit parmi tant d’autres (le flair, le métier) ». Aussi celles où il évoque l’écriture : « Des mois, des années à remplir des pages, à raturer, à déchirer, à froisser, à jeter à la poubelle, à reprendre […] À se lever la nuit pour noter une phrase […] De quoi de venir fou. » Quel homme ou quelle femme qui écrit n’aurait vécu cela ? L’enfant élevé au sérail du Quartier latin, peut-être, s’il existe toujours… Édifiant pour le profane, le livre peut être salutaire à qui est concerné. Mais il va au-delà. Parce que, quand un ami dit au narrateur qu’il pourrait avoir envie de se suicider, une drôle d’idée lui vient … Cet ouvrage, plus profond qu’il n’y paraît d’abord, est aussi souvent drôle : « Le plus difficile, c’était de mourir tout en restant en vie. » Un bon moment.