Si vous passez place de la Trinité, à deux pas d’Esquirol, certain jour de beau temps et avant 19 heures, vous aurez le plaisir de voir une foule de jeunes debout ou bien assis sur les degrés de la fontaine ou encore postés sur des bornes. Ces sittings improvisés découlent bien sûr de la fermeture des cafés et de celle des salles de cours.
Nommée Trinité dès le XVIe siècle, suite à l’occupation des lieux par des moines trinitaires qui établirent auparavant leur couvent à l’emplacement des actuels N°8 et 8 bis de la rue de la Trinité avant de disparaître à la suite de la suppression des congrégations religieuses par la Révolution française, la place se serait cependant appelée de la « Trilhe » (tri du troupeau) au Moyen-Âge. Quoique entièrement pavée ou bétonnée, c’est une des places les plus conviviales de la ville, où l’on aime en temps normal à venir prendre quelque chose, attablé sur une des vastes terrasses, sous les belles façades.
Dégagée et réaménagée au XIXe siècle, la place est ornée d’une fontaine où le principe de la trinité (non réservé au catholicisme) peut se retrouver dans les trois marches et aussi les trois bornes… Elle est une des premières fontaines à gerbe d’eau de la ville, créée pour alimenter les habitants du quartier avec les eaux du château d’eau. Celles et ceux qui aiment se reposer auprès de ses jets d’eau doivent apprécier, ne serait-ce que distraitement, ses sirènes ailées et ses têtes de lion en bronze, esthétique bien d’époque.
Nul doute que décore leurs rêveries ou leurs discussions la maison Lamothe qui se dresse au N°57 rue des Filatiers, soit dans la partie de cette rue longeant la place. Repeinte de frais en un ton retrouvant la dominante brique, la façade étale motifs et statues représentatifs de l’architecture néo-classique toulousaine de la première moitié du XIXe siècle, avec éléments de décor en terre cuite et statues blanchies, œuvres d’un sculpteur appelé Romagnesi.
Au N° 6 de la place se dresse aussi l’immeuble de l’avocat Nicollet, créé pour son étude surmontée du logement de sa famille, le tout gardant la sobriété des constructions haussmanniennes bien que sublimées par les excentricités de l’ Art nouveau qui se retrouvent particulièrement sur le splendide oriel (fenêtre en encorbellement) à deux étages, bow-window à structure métallique orné de vitraux à décor végétal et animal. En dessous, au rez-de chaussée se trouve le café L’Échanson, petite salle surmontée d’un très étroit balcon supportant un ou deux guéridons. L’établissement existe aujourd’hui surtout par la terrasse où il offre tables et fauteuils.
Mais il est remarquable par son histoire. Au milieu du XXè siècle, il était tenu par un couple de gens très âgés qui semblaient très unis, couchant au balcon intérieur clos pour former chambre et cuisinant à même le zinc. On y pouvait déguster des boisson surannées comme un Picon-bière ou une limonade et, pourquoi pas, un casse-croûte préparé en partage aussi sur ce zinc. L’établissement se nommait : Au Père-Jacques. Nouvelle évocation dans le quartier Trinité de la fameuse triade avec les cafés le Père Léon et le Père Louis situés non loin d’ici ?
Pour le sourire, le café le plus important est bien Chez Mamie, ouvert par « Mamie Françoise », la célèbre patronne qui possède avec sa famille, Chez Tonton et aussi La Couleur de la culotte et le Saint des Seins, établissements tous situés place Saint-Pierre. Chez Mamie est fréquenté par des étudiants mais aussi par Madame ou Monsieur tout-le-monde, aimant plutôt rester au centre de la cité pour un moment de détente. Du moins en temps dit normal, c’est à dire lorsque ce n’est pas interdit.
Car on le sait, il est encore interdit d’ouvrir intérieurs et aussi terrasses de cafés, au motif que les activités de se retrouver pour consommer ensemble n’est pas une activité de première nécessité. Inutile de gloser sur le maintien de l’ouverture des grandes surfaces, qualifiées donc de première nécessité au prétexte qu’elles contiennent des rayons d’alimentation. On notera que les cafés sont depuis longtemps en Europe lieux de rencontre, d’échange, de projet et d’opposition. Espérons que le temps ne soit pas durablement celui du « café de la jeunesse perdue » qu’évoque Patrick Modiano. Car internet ne fait pas tout. Manque évidemment le plaisir et l’entraînement du partage physique et charnel duquel jaillissent parfois l’espérance et l’énergie.
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