Avec Moi, le glorieux, roman de Mathieu BELEZI aux Ed. Le Tripode :
Alias Gérard-Martial Princeau, depuis plus d’un quart de siècle cet auteur publie sous divers noms une vingtaine de romans. Nul grand prix ne l’a couronné malgré une originalité et une force étonnante. Sans doute est-ce parce que la France a toujours mal à l’Algérie, sujet récurrent de l’auteur. C’est l’histoire d’un colon qui refuse de quitter la colonie à l’indépendance. Figure grotesque, inquiétante et significative d’un être très riche, très raciste, très gros et très macho, très tout. Métaphore du gros colon français qu’on ne confondra pas avec le petit « Pied-noir » victime de l’Histoire. Le héros est un concentré de cette histoire et surtout de son refus final. Il s’agit aussi de desesperados légionnaires, ses gardes du corps qui le suivront dans une fuite en mode de folie, ainsi que de femmes, les siennes et celles des autres, demi-mondaines caricaturant une figure que n’accepte plus « me too ». C’est conté dans une langue brillante qui n’a pas peur des mots en reprenant parfois des termes vulgaires, risibles, voire détestables : « cent-quarante-cinq ans et toutes mes dents, moi, l’ancêtre des ancêtres, je bande, dresse au plafond un vigoureux braquemart de vingt-cinq centimètres qu’Ouhria empoigne aussitôt et lèche avec entrain. » Le récit ne manque pourtant pas d’une certaine grandeur lyrique à la mesure de l’aventure : « six soirs de suite j’ai […] fait rougir tant de fois le croissant de la lune […] un jour, c’est juré, je chasserai cet astre du ciel et le remplacerai par une planète à ma botte, moins pudibonde et plus obéissante ». C’est sûr, cette catégorie enrichie d’une exploitation par la violence, se croyait tout permis, y compris des horreurs. Malheureusement, elle trompa aussi les simples habitants et tâcherons qui ne comprirent pas la perte du pays de leurs ancêtres. La question reste ouverte et non-dite. C’est ce qui rend ce livre opportun.