« S’il y avait un grand auteur inconnu, ça se saurait ! » dit-on parfois pour railler le système reléguant sur la touche la plus grande part des écrivains. J’ai d’abord lu ce livre auto-édité sous un autre titre : Une vie peut en cacher une autre. Il méritait mieux. Cette histoire de soldat en 14-18, « disparu » et compté pour mort, un personnage en découvre des textes emmurés qui dévoilent une aventure étonnante en mettant aussi à jour un aspect méconnu de la guerre. Ayant abattu le gradé, personnage haïssable qui, avec racisme et mépris de classe, menait son groupe à la boucherie, le disparu en question était voué au poteau. Or, c’est tout autre chose qui s’ensuivit… Cette odyssée découverte peu à peu et contée au rythme de lettres entre les protagonistes, met en scène un étrange aspect collatéral de la guerre. Alors qu’en Europe on semble oublier aujourd’hui que dans la guerre tout est horrible et contre l’humain et que seule l’opposition y est humaine, voici une histoire rédigée avec art pour tramer des fils d’une toile complexe : un système de lettres et carnets, écrit surtout avec métier et labeur pour reconstituer le décor, les faits et les idées. « J’ai particulièrement apprécié la plume de l’auteur, cette façon parfois un peu désuète de s’exprimer et de mettre dans la bouche de ses personnages des expressions que plus personne n’utilise » écrit une lectrice sur internet. La langue adaptée avec finesse aux auteurs des courriers, le style de la narration est qualificatif, explicatif, presque pédagogique. Serait-ce en particulier destiné à la jeunesse ? L’ensemble est toutefois relevé. J’ai dû quant à moi chercher le sens de deux ou trois mots au dictionnaire ! Si les informations fourmillent sur l’époque et les lieux, j’ai pour ma part particulièrement aimé les passages évoquant le vécu amoureux, à la fois d’une pudeur extrême et toutefois fort sensibles : « et de nos lèvres frémissantes s’échappaient des plaisirs murmurés. » Toutes choses, loin du Paysan de Paris qu’il faudrait être pour briller au centre de l’hexagone, dignes plutôt d’un tâcheron de l’Aude profonde qu’est l’auteur, ainsi que moi-même.