Rapport ou pas avec les récentes élections municipales à Toulouse où la vague écolo se brisa par miracle sur le Capitole, je m’intéresse aujourd’hui au square Charles de Gaulle, situé à l’arrière de l’hôtel de ville. Ce qui frappe là, c’est le béton. On connaît la dureté de cet élément usité d’habitude pour construire solide. Il est peu habituel, pourtant, de le rencontrer, lui ou un de ses ersatz, en plus grande part dans un jardin public. Car c’est bien un jardin que l’on a pu connaître et apprécier au siècle précédent, avec bassin à poissons rouges, cascade et rocaille, allées serpentant sous les ramées parmi la verdure ambiante.
Or, le square actuel est tout, sauf un jardin d’éden. Sans doute emblématique de la ville, il l’est peut-être plus qu’on ne croit. Baptisé Charles de Gaulle, il offre une stèle résumant les grands actes du grand homme, à quoi répond une statue du chanteur du cru Claude Nougaro. Vers une aire de jeux d’enfants, sur une sculpture callipyge en pierre noire intitulée : « Maternité », grimpent parfois des tous petits devant des papas songeurs…
Sous le feuillage d’une plate-bande proche, se cache un discret monument à l’ « Apôtre de la paix », Jean Jaurès, dont la tête stylisée domine trois plaques de bronze évoquant famille heureuse, travailleurs en lutte et mineurs. C’est que le tribun citoyen du monde qui exerça dans cette cité le métier de professeur et la fonction d’adjoint au maire chargé de l’instruction publique, est l’objet d’un légitime culte à Toulouse.
Un buste en bronze, inauguré quinze ans après son assassinat, avait été abattu sous l’occupation et sauvé par un récupérateur nommé Agapito Nadal. Dérobé, retrouvé et disparu à nouveau, il fut remplacé par une réplique en pierre qui finit dans le bureau du maire. Le conseil général de Haute-Garonne éleva enfin ce monument actuel invoquant celui qui avait tenté en 1914 de conjurer le risque de calamité en dénonçant « les massacres à venir ». Emblématiques démêlés de la mémoire de ce citoyen peu ordinaire !
Sans gloser sur le hiératisme glacial de la place à l’avant du Capitole, un peu compensé par la chaleur des façades aux briques foraines, on pourrait espérer trouver côté face un peu d’eau et de verdure. Or, déambuler en ce plein centre de la cité, c’est passer des plateaux bétonnés, longer des plages de ciment d’où l’eau s’est évaporée, suivre des allées bitumées et d’autres cimentées et encore côtoyer des murs et des escaliers aussi bétonnés.
Que sont devenus les poissons et les moineaux d’antan ? Réfugiés peut être dans les rares ramures subsistantes ? En tout cas pas sur la plage à sec. Aujourd’hui où le compte à rebours est déclenché pour éviter une catastrophe climatique, nul doute que Victor Hugo répéterait : « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. ».
Une question vient, en songeant aux désirs actuels de retrouver un peu de campagne et de nature : la capitale de l’aéronautique a-t-elle vraiment le cœur écologique ? On connaît l’odyssée de l’Aéropostale et on aime le souvenir de ces as qui surent profiter du progrès technique en défiant les dangers pour élever dans les airs la poste et le prestige de l’aviation toulousaine. On sait que l’industrie aéronautique a fait vivre et fait encore vivre l’agglomération. On sait même que sa crise annoncée ne présage rien de bon pour le reste de la ville rose. Alors, franchement, si l’on fouillait dans le cerveau du toulousain moyen, bien que celui-ci soit souvent issu de la campagne, je ne sais si l’on y trouverait beaucoup d’images de verdure en sa cité.
Pour le sourire, j’ai grandi sous les avions, les Latécoère, les Bréguets, etc, que nous applaudissions au passage sur nos têtes d’enfants. On applaudit beaucoup moins aujourd’hui les rugissants aéronefs, pourtant devenus moins fréquents grâce à la pandémie. A l’école, quand on jouait à posséder le père le plus prestigieux, le gagnant était toujours celui qui annonçait un père aviateur ! Je me souviens aussi, et j’en reste pensif, que dans les milieux sociaux cultivés où l’on débattait, on arborait un petit sourire condescendant, lorsqu’il était question d’écologistes. Parce que ceux-là, ils étaient bien gentils, mais il fallait quand même parler de choses sérieuses !
Alors, je veux laisser le mot de la fin de cette chronique et de cette saison, à l’humoriste Alphonse Allais : « On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur ! »