De plus en plus intéressé par des textes brefs, j’ai acquis ce volume et, pour 2 euros, on a plus de cent pages de ce maître en écriture sans effet de style apparent. Ces quatre nouvelles démontrent que le texte court vaut bien le long malgré la mode chez nous et elles sont de plus une anthologie pour qui veut réapprendre à écrire, justement par-delà les effets de mode. Un homme est pris d’un malaise, on le croit trépassé et on l’enterre. Parvenu miraculeusement à se libérer, il revient chez lui pour entendre qu’on approuve sa femme de se consoler avec le voisin ! La nouvelle suivante dresse un tableau désolant d’un mal d’amour et d’une réussite sociale conjoints sous le second Empire, qui s’achève par une note optimiste à laquelle on peine à croire. Il y a bien un dernier texte où l’on sourit d’un couple adultère qui conçoit au cours d’une partie de pêche tandis que le mari trompé croira en la vertu des coquillages qui l’auraient rendu fécond. Le texte le plus fort et le plus d’actualité, c’en est un autre qui se déroule durant de graves inondations dans la région de Toulouse (c’était en 1875), atteignant le comble du tragique. L’art du conteur ménage les rebondissements provoquant espoirs et effrois… et finit de dresser un tableau terrible. Tout semble dans la peinture dite naturaliste : nature, société, gens, avec leurs joies et leurs douleurs. C’est en effet bien documenté. Mais c’est plus. La Garonne qui noie sauvagement et inéluctablement les gens est peut-être une métaphore de la société d’alors. En fait, c’est écrit avec l’apparente simplicité d’un art possédé et mesuré, parfois frôlant quand même le lyrisme : « Notre ferme en travail chantait par toutes ses fenêtres […] la rivière fait le gros dos, comme si elle était furieuse, et elle s’apaise en une nuit, elle rentre chez elle […] les vagues arrivaient en une seule ligne, roulantes, s’écroulant comme un bataillon qui charge […] Nous entendions le gémissement sourd de la maison pleine d’eau […] Et moi je vis, ainsi qu’une herbe mauvaise, rude et séchée, enracinée aux cailloux ! » Je décèle quelques petites fautes de couleur locale : dans les patronymes ou avec la mention du « vin cuit » (ici on buvait du « vin doux naturel »). Preuve que le naturalisme n’est pas l’essentiel. Et cela n’y change rien, c’est du grand art.